En trek pour le Chili à Villa O’Higgins

Lorsque le mini bus de Las Lengas passe nous prendre à notre hostel d’El Chaltén le 17 décembre nous sommes excités de la journée qui nous attend. Ce passage de frontière là sera très différent !

Distancia y Desnivel LDD-CMProfil de la randonnée du Lago del Desierto à Candelario Mancilla (carte de Robinson Crusoe)

Nous ne sommes pas nombreux à faire la route et encore moins à monter 1h30 plus tard sur le petit bateau à Punta Sur, l’extrême sud du Lago del Desierto. Nous pourrions faire ces 10 kilomètres à pied pour économiser le prix excessif de ce court trajet (480 pesos, quasi 50€!) mais les 22km qui nous attendent sont suffisants.
Rien que le trajet en mini bus est une belle balade. Peu à peu nous contournons le Fitz Roy en passant par la vallée du Rio de las Vueltas et le chauffeur est aussi bon conducteur que guide local et nous apprend plein de choses, comme la raison pour laquelle les forêts paraissent décimées et que les arbres jonchent le sol : la couche de terre est tellement fine sur la roche que les arbres ne peuvent pas produire de racines profondes et résistent mal aux conditions météo difficiles. Les propriétaires terriens (ici à part le parc national Los Glaciares toutes les propriétés sont privées) n’ont pas le droit de retirer ces arbres afin qu’ils créent de la biomasse et donc de la terre.
Sur le bateau nous sommes 5 à faire la route complète jusqu’au Chili et deux argentines qui vont juste se balader autour du lac.
Les 3 autres touristes sont Attie et Lené, un couple sud-africain et Stefan un suisse.
Même pas une heure de route et un panorama de glaciers et montagnes et nous voilà à la Punta Norte où à part un poste de frontière, un gros matou et quelques gendarmes il n’y a rien. Le douanier est même content de nous faire la conversation quand il appose son tampon de sortie d’Argentine. Qu’a-t-il fait pour se retrouver là ?

Vers 11h nous nous mettons en route en sachant que les deux premiers kilomètres seront durs. En file nous partons tous les 5 et je suis en tête super motivée. Le sac de Tobi est vraiment plus lourd que le mien qui pèse bien 15 kilos (le petit sac est dans le grand). En plus de toutes nos affaires nous avons aussi à manger pour deux jours. Mais cette aventure est excitante.
Au bout de presque deux heures nous faisons une pause de midi au bord de la Laguna Larga. Le paysage est époustouflant, sauvage et nous sommes seuls. Les 5,5km du côté argentin sont difficiles car le sentier est très mauvais, il y a de la boue, pour traverser le ruisseau il faut souvent crapahuter et parfois on ne sait même plus par où passer.
Stefan est très et mal chargé, il a du mal à avancer. Nous mettons beaucoup de temps à arriver à la frontière chilienne. Vers 13h30 nous sommes au Chili et il reste encore 17km à parcourir sur une piste.

Dans ce voyage nous apprenons beaucoup de choses. Par exemple, nous apprenons à ne pas écouter systématiquement notre corps qui est comme un bébé capricieux et ne perd aucune occasion pour manifester son mécontentement. Lorsqu’on marche comme ça pendant de longues heures avec un sac lourd sur le dos, sur des terrains aléatoires, que la température ne fait que changer : du vent de face, de la pluie, puis du soleil, une montée qui fait transpirer, une descente qui rafraîchit, la morsure du froid… il y a toujours quelque chose qui ne va pas. Non, ce n’est pas facile ni confortable mais une fois qu’on essaie de mettre la douleur ou l’inconfort dans une zone de la tête on accepte mieux ce qui arrive. Bien sur on ne peut pas complètement occulter le problème et souvent il faut enlever et remettre le pull, la veste ou déplacer le sac. Pour Stefan chaque pause est la bienvenue même s’il avance sans broncher.

Faire cette route en groupe est vraiment agréable. Nous discutons de plein de choses avec nos nouveaux amis et nous motivons mutuellement. Attie porte même de temps en temps le petit sac de Stefan pour le soulager. Sans nous consulter il y a toujours quelqu’un qui prend la tête du groupe et décide implicitement de la vitesse à laquelle le groupe avance. Au fur et à mesure que l’arrivée se rapproche nos pauses sont moins espacées. C’est dur et le climat empire. Le paysage lui ne nous déçoit pas et lorsque nous apercevons au loin un horizon bleu turquoise nous savons que c’est pour bientôt !
Les derniers 6 kilomètres sont de la pure descente. Sur le côté du sentier la roche est seulement composée d’ardoise c’est trop beau!
Pour les 21 kilomètres jusqu’aux gendarmes douaniers de Candelario Mancilla nous avons mis 7 heures, avec 4 pauses (au moins deux fois 30 minutes pour déjeuner et refaire le sac de Stefan). On est contents de nous mais surtout contents d’arriver.
Les carabineros sont sympas, on reste un moment avec eux. Ils sont curieux. Là encore Attie et Lené sont les premiers sud-africains du registre.

L’homme qui est au téléphone du poste de gendarmerie c’est Tito, celui qui peut-être peut nous loger : « peut-être » parce que personne avant ici n’a pu nous confirmer qu’il y avait effectivement de quoi loger sur place et nous nous sommes préparés psychologiquement à une rude nuit. Tito peut nous loger, ouf ! Il faut juste marcher un dernier kilomètre pour arriver chez lui, ou plutôt chez sa maman, Justa Mancilla, une vieille dame de 87 ans qui est née ici, à côté, devant le glacier « chico ». Ce hameau porte son nom.
Les deux fils de la señora, Ricardo et Tito habitent sur place à tour de rôle pour aider leur maman et accomplir des taches nombreuses et variées. Tito est un bûcheron réputé.
Au premier abord c’est un ours assez peu sympathique mais bien vite notre énergie et bonne humeur le dérident.
A part lui, sa maman et quatre gendarmes il n’y a personne d’autre à Candelario Mancilla.
Il nous loge pour 8000 pesos (12€) par personne dans sa maison très simple et limite niveau hygiène mais nous sommes soulagés de trouver un vrai lit.
Il nous fait un repas pour 6000 pesos avec une cazuela et un plat de pâtes avec de la viande. On est vraiment contents ! La soirée se finit tôt après une session musicale : nous sommes tous crevés !

Le lendemain matin après une bonne nuit de sommeil réparateur nous apprenons au petit déjeuner que notre bateau ne passera pas. Zut ! Dans un endroit comme cela tout dépend du bateau. Dans la zone il y a 12 familles qui vivent et sont approvisionnées une fois par semaine par bateau. Ces familles, comme celle de Justa Mancilla sont chouchoutées : elles reçoivent une subvention pour continuer à vivre dans cette zone reculée, sont équipées d’une radio et tous les jours à 9 heures, 13 heures et 19 heures « Maria Estela » demande si tout va bien et s’il y  des nouvelles, puis si cela ne va pas on vient les chercher spécialement par bateau. Ces gens vivent du commerce du bétail : une fois tous les 6 mois un bateau fait le tour spécialement pour embarquer tous les animaux et c’est la dote annuelle des familles.
En plus du bateau des locaux il y a un bateau de passagers deux fois par semaine en été. C’est une compagnie privée, Robinson Crusoé, qui est notre unique moyen de regagner le continent. Ce bateau devait normalement nous prendre, nous et les 7 espagnols qui sont arrivés peu après nous et qui campent dehors, mais une vague lui a arraché une partie de la proue la veille et il ne sait pas quand il pourra repartir.
Aie aie ! Qu’on ait un jour de retard ce n’est pas bien grave mais que le départ reste indéterminé c’est bien embêtant ! Surtout pour Attie et Lenée qui ne font qu’un « petit » voyage de trois semaines et ont un bus et un vol confirmé pour la semaine prochaine.
Nous passons donc la journée à lire, jouer aux cartes, au ping-pong chez les gendarmes et au football avec les gendarmes qui sont trop contents d’avoir assez de monde pour faire deux équipes. Nous apprenons que demain au moins deux bateaux vont amener des marchandises et que sûrement nous pourrons embarquer à titre exceptionnel Ouf !

Le lendemain quand nous nous levons il y a un bateau à l’horizon. Hourra ! Avant 9h30 il est là et nous nous précipitons… en vain, il ne veut prendre personne. Il n’a pas le droit, il est contracté pour débarquer des machines et ne compte pas faire d’exceptions à part un type qui a l’air d’un local. Même les gendarmes essaient de nous faire monter. Le capitaine prétend qu’un bateau de passagers est parti en même temps que lui et qu’il sera là pour 13 heures. Nous le croyons et faisons passer le temps, là, près du quai.
A 13 heures rien. Vers 13h30 nous retournons chez Justa et Tito pour avoir des nouvelles et nous réchauffer. Il pleut et nous sommes frigorifiés. Pas de nouvelles.
Ensuite nous allons chez les gendarmes qui nous disent que le bateau de passagers est parti et qu’il ne tardera plus. Effectivement à 15h30 nous le voyons à l’horizon Ouf !
Vers 17 heures, une fois montés à bord du bateau non luxueux mais bien là de Lorenzo nous disons au revoir à Tito et aux gendarmes.
Le trajet dure au moins 3 heures mais le bateau est confortable. Nous buvons du mate avec le capitaine et le mécanicien.
A l’arrivée un mini bus privé nous attend appelé par Lorenzo. Il n’est pas donné pour les seuls 7 kilomètres qui nous séparent du Puerto Bahamondez au village mais notre trajet en bateau ne l’était pas non plus alors bon, on paie les 5 euros et on est contents de s’épargner cette marche.
A l’arrivée nous allons directement faire un sitting à l’entreprise de bateau qui nous a facturé en dollars le prix fort : Étant donné le manque total d’informations reçues, l’attente et les frais que nous ont engendré ce jour de retard nous voulons récupérer au moins la différence de prix entre le bateau de Lorenzo et celui que nous aurions du prendre. Cette démarche a été très encouragée par les 3 espagnols ric-rac qui comme nous avaient fait la bêtise d’acheter leur billet à l’avance. C’était la seule fois que nous le faisions, d’habitude nous achetons toujours à la dernière minute mais devant le manque d’information nous avions opté pour la solution la plus sure. Pour ceux qui n’avaient pas de dollars sur eux (rappelons que l’achat s’est fait en Argentine pour un service chilien, d’où le dollar comme monnaie sure) le billet leur a coûté 100 dollars (pour nous, 80). Vu qu’on ne pinaille pas pour 2€ on insiste. Le soir cela ne mène à rien car le fonctionnaire doit parler à la direction.
Nous nous rendons donc à l’hostel de Tito, celui chez qui nous étions de l’autre côté. L’endroit est au même prix qu’ailleurs pour un service plus « roots » (12000 pesos par personne, 15€ avec petit déjeuner) mais c’est la maison de Tito pour qui nous avons déjà de la sympathie. Si le réglage de l’eau chaude reste un mystère tout le reste est très bien et nous voilà tous les 5, la « famille » du trek à nous faire à manger à 23h.

Le lendemain nous partons à la recherche d’une porte de sortie. Nous voilà au tout début de la  belle et difficile Carretera Austral une route improbable et pas toujours pavée qui mène à travers villages perdus et montagnes jusqu’au bout du continent du côté chilien. Nous voulons la prendre pour au moins 800km et les bus sont rares. Nous nous renseignons pour faire du stop puisqu’il n’y a pas de bus aujourd’hui, ou alors organiser un bus privé.
De Robinson Crusoé nous obtenons le minimum que nous demandons, la différence Lorenzo-Robinso qui représente quand même 25€ par personne en échange de la promesse de ne pas les pourrir sur Trip Advisor (un super argument de nos jours ! On est surs que c’est ce qui a pesé dans la balance!).
Après cette victoire nous allons nous balader dans les hauteurs sur le sentier de « La Bandera » qui soi disant devait être de difficulté faible mais me laisse haletante. La vue est belle mais je renonce avant la fin, la flemme ! Il nous reste peu de temps si nous voulons faire du stop et avoir les gens qui partent pour le prochain ferry et aujourd’hui je n’avais pas prévu de transpirer autant, mouarf !
Ah oui, le ferry ! Il n’y a pas d’autre moyen que de prendre un bac pour continuer la route. Villa O’Higgins est isolée ! Après deux heures la route est coupée, mais le bac est gratuit (subventionné) et le village vit donc au rythme des 3 bacs par jour.
Nous partons donc clopin-clopant faire du stop et si deux heures plus tard on est encore là on se fera un bon repas. Dans la joie et la bonne humeur nous retournons tous les cinq deux heures et demie plus tard à la « maison » et passons une bonne soirée.

Le lendemain, le 22 décembre nous avons perdu assez de temps il faut avancer. Nous avons rendez-vous pour Noël non mais oh ! Nous prenons un mini bus direction Caleta Tortel et restons collés aux vitres pour observer le paysage grandiose sous nos yeux. Magique ! La suite, c’est pour la prochaine fois ! Merci d’être encore là !

Informations pratiques:

Si comme nous vous avez des doutes face à l’inconnu de cette aventure sachez que le seul hic c’est le bateau de Candelario Mancilla à Villa O’Higgins. Le reste n’a pas besoin d’être réservé à l’avance. En prenant contact avec Robinson Crusoe vous pouvez peut être acheter votre passage autrement qu’à El Chaltén en dollars. En tout cas prévoyez des dollars pozur éviter d’en payer 20 supplémentaires comme “frais bancaires” fictifs. Plus d’infos, contactez nous!

  1 comment for “En trek pour le Chili à Villa O’Higgins

  1. Daniel
    13. janvier 2016 at 16:43

    J’ai cherché longtemps votre cheminement entre El Chalten et O’Higgins en passant probablement par un diverticule nord du lac San Martin qui fait la frontière entre Argentine et Chili. je retrouve ainsi le début de la carretera Austral, qui vous mènera beaucoup plus loin. En avant vers le soleil !

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