En bateau au Panamá (via Puerto Obaldía)

Nous quittons Capurganá et la Colombie le 7 mai avec une petite barque à moteur qui n’a pas long à parcourir. Nous dépassons Sapzurro que nous aurions aimé visiter si le temps ne nous avait pas été compté (une heure et demi à pied depuis Capurganá) et de là le prochain hameau est La Miel, les premières habitations du sol panaméen.

Nous sommes en 45 minutes à Puerto Obaldía (que les gens appellent Puerto Valdivia… why not?), c’est le poste de frontière que nous redoutons le plus.
Effectivement dès notre arrivée notre sac est démantelé et nous passons un interrogatoire. Ensuite il nous faut une photocopie du passeport et un autre interrogatoire. S’il ne faut pas montrer notre preuve de sortie du Panama et de notre indépendance financière on nous pose tout de même la question.

Une fois les formalités accomplies (ouf!) nous sommes abordés par un curieux: Hussein est trop content de rencontrer des gens avec qui il peut communiquer. Il est pakistanais et voilà un mois (ou plus) qu’il est là. Il ne parle pas espagnol, c’est notre premier contact avec la réalité de cet endroit.
Avec lui nous nous hasardons dans les quelques rues non goudronnées pour trouver un logement. A la pension “Brisas del Mar” nous avons apparemment trouvé ce qui se fait de mieux. Nous payons comptant les 5$ par personne pour la nuit à venir et bouchons notre nez en rentrant. C’est sombre, l’odeur de renfermé est tenace, c’est plutôt insalubre (de quelle couleur étaient les rideaux/morceaux de tissus avant?) mais au moins c’est un vrai matelas et la chambre ferme à clef. Il y a des toilettes, un lavabo sans évacuation (oups, ça mouille) et un robinet à hauteur de hanche dans la douche. Même accroupis on est contents de se doucher. De 18h à 6h il y a l’électricité pour brancher le petit ventilateur. Cela fera l’affaire, on ne va pas s’éterniser ici.

Après avoir posé nos sacs nous voulons aller nous baigner. Il faudra marcher très longtemps pour arriver sur un bout de plage non contaminé par les ordures : la plage est couverte des déchets de la consommation. C’est triste et absurde dans un endroit aussi sauvage et isolé. Le village a officiellement 400 habitants et peut être le double de réfugiés en ce moment. Autour il n’y a rien. On a donné à ces populations des biens de consommation sur emballés sans leur apprendre l’impact qu’aurait ce déchet. La plage brille comme un sapin de Noël avec ses canettes rouge et argentées abandonnées par centaines.

Nous passons le reste de la journée/soirée avec nos nouveaux amis, des cubains et des pakistanais qui n’ont qu’une seule quête: les Etats-Unis d’Amérique. Voilà d’autres que rien n’arrête. Ils sont tous partis il y a des mois de chez eux pour un long voyage. Les cubains ont gagné le Venezuela et les pakistanais le Brésil, les seuls pays desquels ils peuvent arriver en avion depuis chez eux. Ensuite ils se sont mis en route pour le Pérou mais surtout pour l’Equateur puis la Colombie et comme nous ils sont arrivés là.
Sur leur route on ne leur a pas fait de sourires, ils se sont fait agresser et dépouiller par les polices de chaque pays qui savent qu’ils ne risquent rien: quel clandestin va oser se plaindre? Ils nous racontent que le pire c’est la Colombie, cet endroit où nous nous sommes sentis si protégés et bien accueillis. Dans chaque trajet de bus contrôlé par la police ils ont perdu tout leur argent. Chaque fois il faut rester et attendre de regagner de l’argent ou s’en faire envoyer par la famille restée sur place. Les cubains ont laissé leurs enfants qu’ils feront venir quand ils auront une situation.
Car ils auront une situation: les cubains bénéficient d’une aide particulière de la part des Etats-Unis. Selon le “Cuban Adjustment Act” (aussi appelée “ley asesina de ajuste cubano“) dès lors qu’ils sont rentrés de manière illégale (par voie terrestre) sur le territoire ils sont pris en charge et obtiennent au bout d’un an une carte de séjour. Cela signifie donc qu’ils doivent passer les frontières et payer différents intermédiaires sordides pour arriver au bout. Pour les pakistanais c’est plus compliqué, pas d’arrangement, suivant le flic véreux à qui ils auront à faire ils devront remettre une enveloppe de 20 à 30000 dollars à leur coyote.

Nous écoutons ces destins incroyable avec beaucoup d’effroi. La tristesse et l’anxiété n’est pas palpable, ces gens sont heureux parce qu’ils ont tous l’espoir. Même ceux qui sont coincés depuis plus longtemps encore (ils ont un petit boulot et économisent le temps qu’il faut) ils ne sont pas en colère. Nous n’entendons pas qu’ils se plaignent de quoi que ce soit comme par la suite on nous le dira. Soit disant ces méchants immigrés ne sont pas contents qu’on ne leur donne pas à manger, soit disant ils font des histoires aux différents pays d’Amérique centrale et revendiquent « leurs droits ». Nous n’avons pas la sensation que ces gens ne sont pas reconnaissants, ils nous touchent et lorsque le lendemain nous montons dans la barque pour quitter Puerto Obaldía nous avons le cœur lourd et une profonde affection pour eux.
A Puerto Obaldia nous avons changé.

Depuis que nous sommes partis la frontière a été fermée aux immigrants. L’Equateur exige un visa, le Costa Rica et le Nicaragua ont aussi fermé leur frontière et partout le voyage du rêve américain est devenu encore plus compliqué.

Le 8 mai après une nuit pas si mauvaise que cela nous sommes prêts à 8 heures pour le départ. Nous disons adieu à nos amis et attentons les formalités interminables.
Il faut payer une taxe à la communauté indigène Kuna dans laquelle nous nous trouvons et aussi payer d’avance le « Negro » pour le transport. C’est bizarre, il semble qu’il y ait beaucoup d’intermédiaires ! Nous payons néanmoins un prix très correct : 100$ par personne sachant que les Kunas paient 90$. Nous avons entendu des gens qui ont payé le double.

Sur la barque il y a deux équatoriens, deux panaméens, une cubaine, un couple avec deux petits Kunas, un chauffeur et un mécano également Kunas. Nous avons deux moteurs et pourtant nous mettons huit heures pour arriver à destination. Les deux premières heures tout va bien, le panorama est magnifique surtout quand nous sommes au milieu des îles San Blas (enfin, pas les îles habitées qui sont entourées de poubelles et plutôt insalubres), puis la tempête nous rejoint et il pleut pour une bonne partie du trajet. Heureusement que nous étions préparés. Les moteurs consomment énormément tombent même en panne en raison de présence d’eau dans l’essence. Ces moments arrêtés sont les seuls qui sont difficiles pour notre cœur, le reste du trajet vu la vitesse nous ne sentons pas de mal de mer. Il faut dire, depuis Tolú nous savons l’importance de s’asseoir le plus derrière possible.

Finalement en discutant avec le couple des Kunas nous apprenons qu’ils gèrent une île touristique et décidons d’y descendre avec eux : après tout nous sommes dans les temps et c’est presque à Cartí.

  1 comment for “En bateau au Panamá (via Puerto Obaldía)

  1. Babs
    24. juin 2016 at 6:49

    Ein wahres Abenteuer, das glücklicher Weise gut ausgegangen ist. Viel Spaß noch weiterhin und paßt gut auf Euch auf
    LG
    Babs

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