Granada et les alentours

Granada est d’une élégance photogénique, une carte postale pittoresque à chaque tournant, l’une des plus vieilles villes du monde nouveau. Elle a été construite comme une ville modèle par les dominants espagnols pour montrer qu’ils avaient plus à offrir qu’une religion bizarre et une technologie militaire avancée. Sa situation sur le bord du lac a pris une importance de premier ordre lorsque les espagnols se sont rendus compte que la rivière San Juan était navigable et donc que la ville était accessible et connectée à l’Atlantique. C’est ce qui l’a rendue riche mais aussi vulnérable : elle a été plusieurs fois pillée par les pirates.
Politiquement Granada est le joyau des conservateurs au même titre que León, son pendant du nord, est le chef lieu libéral ayant vu naître les mouvements révolutionnaires sandinistes.
A elle-seule Granada mériterait un voyage. Elle nous fait vaguement penser à Carthagène en bien plus tranquille : bien qu’elle soit très touristique et propose un nombre incalculable de logements, bars et agences de tourisme elle semble bien endormie lorsqu’on s’y promène l’après-midi, spécialement alors qu’il fait si chaud.

Nous arrivons le 13 mai à l’heure où le soleil est au zénith et qu’une chaleur torride fouette les façades colorées et les habitants assoiffés. Assoiffés, nous le sommes aussi et nous désaltérons dans un patio bien chaud avant qu’Estelle et Sylvain ne se lancent à la recherche de la perle. Quel changement de ne pas chercher nous-même le logement, nous nous sentons en vacances d’un coup ! La ville nous plaît tout de suite surtout grâce au délicieux hébergement déniché par nos amis après une longue recherche : Nous sommes à la Casa del Poeta (que nous recommandons chaudement) tout près du lac, une grande maison soigneusement décorée et entretenue aux plafonds immenses, abritée du soleil sous des manguiers et un avocatier prodigues et des moustiques par bien assez de moustiquaires. En plus Estelle est une négociatrice hors pair et fait baisser le prix d’un quart.
Nous sommes arrivés au jardin d’Eden, le pays où les fruits sucrés et juteux tombent du ciel en abondance et où la plus grande peine est celle de ne pas avoir assez de place pour tous les ramasser. Rarement nous nous sommes sentis si légers et simplement heureux d’être dans un endroit.

Nous louons des vélos et visitons ainsi les belles façades et les nombreuses églises sous une chaleur ardente d’une manière plus ventilée.
Chez un producteur de cigares (Doña Elba) nous apprenons la technique de fabrication et les styles de puros (comme on les appelle ici) et Sylvain en profite même pour en rouler un lui-même. C’est très intéressant et étonnamment facile aussi. Comme pour le liège il n’y a rien qui se perd dans cette matière première : ce qui n’a pas servi pour le cigare est broyé et sert comme tabac à pipe.

Le soir nous faisons la cuisine (de préférence des guacamoles puisque nous logeons à la source) ou allons au restaurant. Nous faisons aussi un tour standard pour les petites îles (las Isletas) sur le lac Nicaragua qui sont juste en face de Granada. L’archipel en compte plusieurs centaines, formées lors de l’éruption du volcan Mombacho il y a 10000 ans. A l’origine elles abritaient la grande pauvreté et sont maintenant aux faits de la spéculation immobilière.
Parfois elles sont dotées de maisons de grand luxe, parfois la nature a complètement repris ses droits.
Nous pouvons y observer un grand nombre de « cassiques de Montezuma » et leur nid curieux qui pend comme une bourse. Notre chauffeur nous conduit aussi à l’île aux singes qui porte bien son nom depuis l’introduction de singes araignée (Ateles geoffroyi) par un vétérinaire (drôle d’expérience n’est-ce pas ?). On dirait qu’ils sont en cage finalement, puisqu’ils sont bloqués là et ne peuvent pas nager. Espérons que le grand manguier de l’île leur permette de manger à leur faim.

Avis important:

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Après deux nuits à Granada nous partons visiter la Laguna de Apoyo non loin de la ville, un lac sur un cratère vieux de 200 siècles et d’une profondeur de 200 mètres. Il est même réputé d’y plonger avec des bouteilles mais pour le simple masque et tuba ce n’est pas intéressant on ne peut rien voir tellement le tombant est brutal.
Nous y trouvons un hébergement à couper le souffle : une chambre en plein air avec deux petits bassins privés juste au dessus du bord de la lagune, pas de mur, la douche derrière quelques bambous et un hamac. Certes on est au dessus du budget mais tant pis, on reste ! Cet hôtel Selvazul propose d’ailleurs d’autres chambres à thème et chacune unique.
Nous nous amusons avec les kayaks et planches de Stand-Up Paddle que l’hôtel laisse à disposition et dînons sur place (le restaurant n’est pas fameux par contre).
Cette belle journée aurait pu s’achever ainsi mais Tobi en change le cours alors qu’il est le dernier à se mettre au lit : il ferme consciencieusement la moustiquaire et fait l’erreur de se mettre debout sur le lit de sorte qu’il prend en plein front deux pales du ventilateur lancé à pleine vitesse. Heureusement le sang qui abonde finit par se calmer et il ne faut pas aller à l’hôpital, il reste avec une jolie cicatrice et une bonne histoire à raconter notre grand Harry Potter.

Le lendemain il est en forme et nous partons à pied direction les Pueblos Blancos. La région entre la Laguna de Masaya et la Laguna de Apoyo est connue sous le nom de « Pueblos Blancos », les « villages blancs ». Ce sont des petits villages chaulés regroupés autour de grandes églises qui se consacrent à l’artisanat et à la poterie.
Après une belle suée une fois en haut du cratère nous hélons un taxi pour Catarina où depuis le « balcon » nous jouissons d’un spectaculaire panorama sur toute la Laguna de Apoyo et même sur Granada et le lac Nicaragua.
Catarina est aussi le vivier du Nicaragua, tout le monde y vient acheter les plantes du pays.
Au village voisin, San Juan del Oriente, nous visitons un atelier de potier : à chaque famille ses traditions, son style et son atelier. Nous y apprécions particulièrement le détail de gravures sur la céramique, un style que nous ne connaissions pas encore. Dommage de ne pas pouvoir en ramener !

Depuis San Juan del Sur on est rapidement en bus à Masaya, une ville de 170000 habitants à 16km de Granada. Nous y déjeunons dans un comedor simple et faisons un petit tour dans le marché artisanal incongru : un château fort en basalte noir de 1888. Par contre inutile de chercher à y acheter quoi que ce soit, les prix sont ridiculement hauts ! L’autre marché de la ville qui est moins joli a lui de l’artisanat à prix normal. Nous n’allons pas jusqu’au Malecón et ratons aussi les spectacles de danse traditionnelle nocturne, on ne peut pas tout faire!

Par contre nous ne ratons pas l’excursion la plus spectaculaire du moment et montons dans un taxi qui nous amène au volcan Masaya.
Après un court arrêt à l’intéressant centre des visiteurs nous n’avons le droit de rester que quelques minutes au bord du cratère (pour des raisons de sécurité: il est plus facile d’évacuer un nombre de personne réduit en cas d’explosion). Dans la plupart des pays on ne pourrait pas approcher autant d’un volcan aussi actif.
Alors que nous regardons dans le cratère dont s’élève de la fumée nous n’en croyons pas nos yeux : à moins de 100 mètres en contrebas de la lave en fusion nous apparaît comme les vagues d’un océan bouillonnant. Nous ne nous y attendions pas et ne nous sommes même jamais attendus à voir ceci quelque part dans le monde. Et dire que nous ne savions même pas que le magma était visible, apparemment cela lui arrive tous les 20 ou 30 ans seulement. Nous qui avions raté de peu de Tungunrahua en Equateur nous sommes fascinés, c’est comme si nous regardions dans le cœur de la terre, une image que nous n’oublierons espérons-le jamais.

Nous revenons pour notre dernière nuit avec Estelle et Sylvain à Granada dans notre sympathique hostel. Le lendemain matin, le 17 juin nous leur disons au revoir alors qu’ils montent dans le taxi qui les conduit à l’aéroport.
C’est à nouveau un temps génial avec les gens que nous aimons qui s’achève, une possibilité de partager avec nos amis notre expérience. C’est aussi notre dernière visite planifiée du voyage après 4 mois avec les parents de Tobi, suivis de Ronny, puis mon papa et enfin Estelle et Sylvain. Nous nous sentons un peu comme si pour nous aussi c’était la fin du voyage.

Nous restons une nuit de plus à Granada pour retomber sur nos pattes et nous faire à cette nouvelle situation. Nous nous sentons un peu perdus tous les deux ici et partageons des sentiments très contradictoires.

Le 18 juin (bon anniversaire mamie Paule) nous remettons nos sacs sur le dos et partons via Managua direction la plage et León. Tobi a trouvé sur la carte un village nommé « El Tránsito » et c’est là que nous allons.

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