Tarija et la région du vin bolivienne

Nous arrivons à Tarija depuis Villazón, la frontière avec l’Argentine le 31 janvier à 2 heures du matin. Le trajet a été dur, le bus datait sûrement de la seconde guerre et l’espace était très réduit sans parler du bruit des gens, de la musique, de la route et nous étions balancés, bousculés. Nous avons mis 7 heures pour faire même pas 200km !

Quand nous arrivons il pleut des cordes. Il état entendu que nous restions dormir dans le bus mais visiblement les plans ont changé et le chauffeur nous met dehors. De toutes façons, un vrai lit ne nous ferait pas du mal !
Un taxi sympa nous dépose donc à L’hotel Zeballos qui non seulement est payable mais en plus est ouvert ! C’est propre et si cela manque de charme le lit est confortable et nous nous endormons au calme.

Le lendemain matin après un bon petit déjeuner dépaysant au mercado central nous cherchons un nouveau logement plus convivial et un peu moins cher. La première nuit nous a coûté à peu près 22€ et à l’hostal Casa Blanca en dortoir de 6 lits nous en aurons pour 14€.
L’endroit est sympathique, il y a du monde mais c’est convivial, ça nous plaît.

Tarija aussi nous plaît tout de suite. Nous sommes dimanche et la ville est agréablement calme. Au mercado central, le marché où l’on peut aussi bien faire ses courses que se restaurer matin, midi et soir nous devenons rapidement les clients habitués d’une gentille cuisinière. Nous prenons pour 10 bolivianos (1,34€) un petit déjeuner composé d’un bon café noir et d’un thé accompagné de sopaipillas recouvertes de miel (comme des merveilles ou tortillas un peu plus grandes qui sortent de la friteuse).

La région autour de Tarija est la région viticole la plus connue et grande et s’enorgueillit d’être la région viticole la plus haute du monde. Les raisins poussent entre 1600 et 3000m d’altitude.
Sur le marché international le slogan c’est « vinos de altura », vins d’altitude. La production s’élève à environ 6 millions de litres de vin.
L’autre produit 100 % bolivien c’est le Singani, un alcool distillé de raisins du cépage muscat d’Alexandrie qui se différencie du grappa de par son bouquet extrêmement aromatique (typique muscat quoi). Ils en produisent environ 4 millions de litres et comme pour le vin, seule une minime partie est exportée, la plupart est bue en Bolivie.
En tout ce sont donc 3000 hectares de vignes qui sont récoltées 100 % à la main pour 65 domaines viticoles. Cependant il faut préciser que 6 domaines concentrent la majorité de la production de vin et 4 domaines celle du Singani.

Le lundi nous tentons notre chance avec Nathalie une argentine d’origine péruvienne comme nous en voyage et prenons un colectivo (taxi collectif) direction la vallée de la Conception.
Comme premier essai nous entrons à la Casa Vieja, l’une des maisons traditionnelles les plus connues. Nous tombons mal, tout le personnel est occupé au nettoyage et rangement d’une fête qui a eu lieu la veille et laisse à penser que les invités étaient des sauvages et qu’ils étaient très nombreux. Nous passons complètement inaperçus et entrons partout sans que personne ne nous adresse la parole. Cette impression d’être transparents conjugué avec un acte de grande cruauté auquel nous assistons, un petit garçon étouffant un chaton, nous révolte complètement et nous sortons de cet endroit écœurés. Cette image ne nous quittera pas les heures suivantes. De toutes façons un passage dans leur « vinothèque » m’a vite montré qu’il était inutile de goûter les (nombreux) vins proposés : vu le degré d’alcool ils étaient tous sucrés. Les boliviens adorent le sucre.
La journée commence mal ! En plus, comme d’habitude je ne suis pas du tout préparée, je n’ai contacté personne.

Nous tentons de trouver la deuxième bodega qui m’intéresse, « La Concepción » et franchement ce n’est pas facile. Il faut faire la moyenne des indications des locaux pour savoir à peu près où elle se trouve et lorsque nous arrivons enfin, après une balade en plein cagnard, nous ne pouvons pas être reçus aussi spontanément. Normalement les gens réservent un tour depuis la ville où le domaine a un bureau/boutique.
Heureusement nous sommes en Amérique latine où la spontanéité joue un grand rôle et Luis, le chargé de la production, nous donne rendez-vous à sa pause de midi pour nous faire faire un tour.

A 13 heures, après avoir sommairement déjeuné dans le mercado central nous montons dans une camionnette avec Luis. Il nous amène sur ses plus anciennes parcelles où d’anciens arbres, les Mole, sont en symbiose avec la vigne (les plus veux pieds ont 250 ans). Luis nous explique que du fait de l’altitude et de l’intensité du soleil, la quantité de rayon UV et de resvératrol (un polyphénol, une sorte d’antibiotique que créent certaines plantes comme la vigne pour se protéger contre les attaques et qui est à l’origine de l’idée que le vin rouge est bon pour la santé) est 6 fois plus élevée que partout ailleurs dans le monde ce qui a un effet très particulier sur les vins. Non seulement la maturité arrive bien plus vite mais la concentration du jus est selon lui exceptionnelle. Nous ne pouvons que le croire mais je ne sens pas cette différence dans les vins que nous goûtons avec lui.
Il nous affirme en tout cas de manière très convaincante que les vins boliviens sont parmi les vins les plus sains du monde (grâce à cette histoire de polyphénols).
Il nous raconte aussi les grandes difficultés auxquels les producteurs sont soumis. Le plus grand problème est celui de l’accès à l’eau, l’eau vitale pour l’irrigation des vignes, l’eau qui ne coule pas à flots pour le soleil ardent qui assèche les plantations. L’accès aux énergies : tout est deux fois plus cher qu’ailleurs dans cette région isolée, les voies d’accès sont mauvaises pour le transport des marchandises.
A La Concepción il arrivent tout de même à sortir leur épingle du jeu. Les propriétaires ne sont pas sans ressources et cela permet la poursuite d’expérimentations comme une parcelle en conversion biodynamique. Le domaine produit 750000 bouteilles par an et 40 % de la production est du Singani. Les cépages sont du moscatel, syrah, chardonnay, cabernet sauvignon, riesling… la récolte est de 4 à 6 kilos de raisin par plante, 200 à 300 plantes par hectares et 80 hectares + 8 en expérimentation. Les vendanges ont lieu en janvier et le blanc a même déjà été récolté, cette année plus tôt que d’habitude à cause d’El Niño.

Avec Luis nous passons un délicieux moment. Il nous fait acheter deux bouteilles que nous dégustons ensemble, il improvise un peu car il est content qu’on soit là et ne veut pas nous laisser repartir bredouille. On est bien contents de la balade et de tout ce qu’on a appris et le remercions chaleureusement lorsqu’il nous redépose en ville.

Sur le retour direction Tarija nous nous laissons déposer sur la route principale par le colectivo et remontons à l’arrière d’un camion pour 3 kilomètres ce qui nous permet d’être à 15 heures chez Kohlberg, l’une des plus grande ou la plus grande bodega de Bolivie, en tout cas la plus ancienne bodega « industrielle » (mécanisée) de la région : 114 hectares en production.
A 15 heures devait avoir lieu un tour mais il ne semble pas qu’il ait lieu. Nous demandons donc à voir « Franz » de la part de « Luis » et le culot paie, Franz arrive au volant de son quad, c’est le petit fils du fondateur et donc chef de Kohlberg qui nous reçoit en personne et nous consacre une petite demi heure de son temps pour nous raconter son histoire et les enjeux de la vigne dans la région.

Il explique que son grand-père, allemand, s’est lancé le défi et a fait venir le premier tracteur de la région à l’époque. Ils ont des engins de terrassement parce qu’il leur faut sans cesse refaire le terrain à cause de l’érosion et ils adorent ça. Les gros Caterpillar ne sont pas là pour la déco.
Il nous explique que tous les problèmes que peut avoir la vigne sont présents en Bolivie, c’est infernal. Impossible de faire du bio selon lui mais le plus dur c’est l’eau. Il pleut genre 3 à 4 fois à torrents et c’est tout. C’est pourquoi ils sont équipés au goûte à goûte mais le véritable enjeu c’est d’approvisionner les réserves.
La surprise c’est l’Ugni blanc, ce cépage que nous utilisons pour notre cognac, il l’utilise depuis 5 ans pour sa ligne « varietal ». Dommage que nous n’ayons pas pu goûter.
Finalement ce que nous connaissons de Kohlberg c’est un vin extrêmement basique et doux qui arrose le marché et dont la bouteille coûte 2,30€. Tout au long de notre séjour en Bolivie nous aurons l’occasion de le regouter, et pas vraiment par plaisir.
Kohlberg fait le choix du peuple, les produits de meilleure qualité ne sont pas faciles à trouver. Ce moment improvisé avec Monsieur Kohlberg en plein milieu des vendanges est tout de même un vrai cadeau, son franc-parler et sa spontanéité, loin des clichés « meilleur terroir du monde » nous en apprennent encore sur cet endroit d’exception.

De nouveau sur la route un pick-up nous prend en stop et nous dépose quelques kilomètres plus loin devant la porte de Campos de Solana. Il s’agit de l’autre grande structure nationale surtout connue pour son côté Singani, commercialisé sous le nom de Casa Real.
A 16 heures le domaine ferme. Il est 15h45 et nous avons quand même droit à un tour privé même pas pressé et gratuit.
Ici on produit du vin depuis l’an 2000 et la production annuelle est d’1 million 300 mille bouteilles, la récolte est entièrement manuelle, dans des petites caisses de 15 kilos.
Un petit chai accueille 300 barriques de chêne français et tout ici est entrain de grandir.
Comme ailleurs, le problème de l’expansion n’est pas l’accès à de bonnes parcelles mais à l’eau. Nous dégustons juste un rosé de malbec et merlot 2015. léger, fruité, frais.
Comme à La Concepción et chez Kohlberg on nous dit que les gens ne viennent pas visiter comme nous, ils réservent des tours qui font eux-même la visite et fournissent les vins. Les structures ne sont pas équipées pour proposer des dégustations. Dommage. Cela viendra !

Nous rentrons en ville et passons par La Vinoteca, la seule vinothèque de la ville qui propose tous les bons vins boliviens à prix « d’usine ». Avec Carlos le gérant nous partons sur une dégustation de tout ce qu’il recommande, 7 des meilleurs vins du pays et un Singani.
Malheureusement je pense que les bouteilles sont ouvertes depuis trop longtemps, un certain nombre des vins est oxydé.
Que ce soit des domaines La Concepción, Anranjuez (un des autres gros producteurs), ou des petits domaines familiaux Magnus ou Sausini (pas de filtration) les vins sont concentrés, tanniques, volumineux. Le tannat « Grand Reserve » Juan Cruz d’Aranjuez est une belle découverte, carrément délicieux.
Le Singani de La Concepción « Rujero » est un beau cadeau de la fin, il faut se méfier quand on le sent on ne peut pas s’imaginer qu’il titre 40 % tellement il dégage d’arômes.

Le lendemain matin, le 2 février, nous reprenons un bus pour Tupiza et quittons la région viticole bolivienne pour retrouver l’altiplano. Cette route que nous avons faite à l’aller (pour aller à Tupiza il faut retourner sur la même route que Villazón, la frontière) nous ne nous étions pas rendu compte à quel point elle était spectaculaire comme nous l’avions faite de nuit. Nous avons deux places « panoramiques » au dessus du chauffeur. A y réfléchir on se demande comment le chauffeur peut conduire sur une telle route de nuit, à flanc de montagne. Elle n’est pas complètement asphaltée et il n’y a ni lumières ni garde-corps. Sur certaines parties je ne retiens pas quelques larmes de terreur et je ferme les yeux lorsque nous approchons du précipice.

De là où nous sommes notre impression n’est bien sur pas la vraie, n’empêche que la route n’est pas bien large et heureusement nous ne croisons pas trop d’autres véhicules !

Nous sommes soulagés quand enfin nous arrivons à Tupiza.

  3 comments for “Tarija et la région du vin bolivienne

  1. Moni
    22. février 2016 at 11:20

    Super, dass jeder jetzt auch mit Hilfe der kleinen Karte rechts oben sehen kann, wo ihr seid – eine gute Verbesserung des Blogs :-).
    Gut, dass ich nicht im Bus gesessen habe und ihr gesund und wohlbehalten aussteigen konntet.

  2. james
    28. février 2016 at 21:34

    J’aime la copa de los suenos, la casa dorada , le kohlberg et le vin.

  3. Britta
    13. mars 2016 at 16:06

    Allein beim Video anschauen, wie eng die Straße doch ist, bin ich auch froh, nicht im Bus gesessen zu haben.

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