La Paz et alentours

Après une visite de deux jours à Sucre nous quittons la belle ville blanche pour la grande ville de La Paz le 12 février. Nous choisissons une bonne compagnie de bus pour passer une bonne nuit mais tout est relatif : Quand les autres voyageurs ne veulent pas dormir et veulent écouter de la musique sur leur téléphone, quand le chauffeur roule comme une brute, nous balade et nous berce au son de son doux klaxon, la renommée de la compagnie n’a guère plus d’importance.

On arrive pas tellement reposés à La Paz et ne cherchons de ce fait pas bien longtemps la perle du logement : A 5 minutes du terminal nous prenons une chambre privée à la « Perla Negra » qui nous propose même de prendre un petit déjeuner tout de suite, le temps que notre chambre soit préparée. Depuis la salle du petit déjeuner au cinquième et dernier étage nous prenons acte de la taille de la ville : sur les collines les habitations pas finies en briques rouges débordent et mon père se demande justement « comment font-ils pour l’assainissement ?». Bonne question !

Après un peu de repos nous nous baladons et ce que nous voyons nous plaît. Nous passerons quelques jours à La Paz en découvrant les dédales de rues des marchés (maman, la section mercerie te rendrait ba-ba! Kévin, tu serais fou dans la section fringues et chaussures de sport de marque). Nous on passe un moment au marché des sorcières à sélectionner nos amulettes pour apporter santé, énergie et protection aux gens que nous aimons, sous les fœtus de lamas séchés et les poudres magiques de « pluie d’argent », « assieds-toi ici », « ramène ma fiancée », « plus de clients », « plus de chaleur »…
Nous faisons même du shopping, en pensant que dans un mois nous retrouvons les parents de Tobi et qu’ils pourront (sûrement) alléger nos sacs à leur retour. C’est bien le point négatif de voyager si longtemps avec un sac à dos, on ne peut rien acheter !

La Paz est à couper le souffle, et pas seulement au sens figuré.
Le moyen le plus impressionnant de visiter ce monstre est sans doute son nouveau mode de transport. Trois téléphériques autrichiens (pour l’instant) raccordent plusieurs parties de la capitale administrative bolivienne à 4000 mètres d’altitude et proposent des panoramas qui ne sont peut-être pas les plus beaux mais sûrement parmi les plus spectaculaires [du monde !]. Pour 3 bolivianos (moins de 50 centimes d’euro) c’est sans conteste le meilleur rapport qualité-prix des attractions de notre voyage. Mais même pour les locaux ce mode de transport semble valoir le coup : le prix d’un micro bus est à peine inférieur, il a du mal à se frayer chemin dans sur les routes pleines alors que le temps du trajet de la ville « El Alto » tout en haut jusqu’au centre ville est de 15 minutes. En plus le micro ne part que quand il est plein, il faut donc attendre des passagers. Par contre en heure de pointe pas sur que la capacité des cabines permettent d’étouffer le flot de passagers, en tout cas l’impression nous est confirmée lorsque le dimanche nous voulons monter au marché d’El Alto et voyons la foule qui attend.

A une heure de route direction le lac Titicaca se trouve Tiwanaku.
Tiwanaku est une civilisation qui a peuplé les hauts plateaux andins depuis 1500 avant Jésus Christ jusque la fin du XIIIe siècle, une des cultures avec le plus de longévité d’Amérique du sud. Vous n’en avez jamais entendu parler avant ? Nous non plus ! Et pourtant en comparaison les incas ne font pas le poids puisqu’ils n’étaient qu’un petit peuple et que leur époque de conquête, expansion et gloire n’a duré qu’un peu plus d’un siècle !
Les Tiwanakus parlaient l’Aymara, langue qui est toujours très répandue dans la région aujourd’hui. Leur origine remonte au bord du lac Titicaca et la capitale de leur empire est Tiwanaku que nous visitons le 14 février. On considère que cette culture est la mère des civilisations andines, et certaines légendes estiment même que c’est un membre Tiwanaku a formé la civilisation inca. La culture Tiwanaku a étendu sa domination physique sur 600000km².
Si les ruines de la capitale ne sont pas si impressionnantes que celles du MachuPicchu, c’est le colossal bagage historique et pour nous totalement inconnu qui rend la visite de ce lieu si intéressante.

Les caractéristiques de construction de la capitale sont uniques et splendides et rassemblent de grands architectes planificateurs avec un singulier dessin de lignes simples qui érigent des temples fastueux, les ingénieurs calculent les inclinations de murs et avec une excellente technique urbaniste créent des réseaux de surface et sous-terrains de canaux pour éliminer les eaux pluviales et usées.
Les tailleurs de pierre font un travail parfait avec une précision phénoménale, prévoient dans la pierre un espace de liaison, des entailles afin de couler du bronze qui soude les pierres entre elles sans besoin d’autre collage, la pierre est taillée dans des carrières éloignées et ensuite ramenées, les métallurgistes fabriquent des planches iconographiques pour les bas-reliefs et arrivent à recouvrir les bâtiments de métaux précieux qui scintillent au soleil.
Les sages orientent les temples de manières astronomique avec une extrême précision.
Il y a deux pierres utilisées pour la construction du site, l’andésite, une pierre volcanique qui donne son nom à la chaîne de montagne, une pierre forte, dure, qui représente l’homme, et du grès rouge qui représente la femme. Ces pierres sont très dures et beaucoup s’accordent à dire que le mystère de la taille de ces pierres reste entier : comment atteindre une telle précision sans la technologie moderne ? Seul un laser peut faire une découpe aussi parfaite.

Les Tiwanakus ont érigé en cet endroit plusieurs temples ainsi qu’une immense pyramide pour vénérer le soleil et la lune notamment. Leur connaissance de l’astronomie est déjà excellente à cette époque : eux non plus n’ont pas d’écriture mais la construction de leurs temple répond à une précision unique. Tout est orienté en fonction du soleil, aligné exactement avec les solstices et tout se trouve parfaitement entre quatre grands sommets environnants.
Le site a été détruit et pillé par les espagnols qui pour imposer leur loi et leur religion devaient faire disparaître les autres religions (les pierres de l’église de Tiwanaku ont été prélevée sur les temples pour sa construction) et le temps aussi a fait son travail. Les trésors ont été dispersés aux quatre coins du monde. Les gros blocs de pierre ont aussi servi à construire les bâtiments coloniaux et également le chemin de fer.

Le temple de Kalasasaya, de 126 par 117 mètres est celui qui accueille maintenant la Porte du Soleil (mais cela n’a pas toujours été le cas). Les murs du temple font 3 mètres de haut, constitués d’énormes blocs de grès et d’andésite contenus entre des ribambelles de monolithe en grès semblables à des menhirs. Les blocs sont parfaitement ajustés et lisses et on peut y vérifier exactement l’orientation astronomique, les 365 jours et le changement des saisons.
Un énorme escalier mène à l’entrée qui se trouve devant le temple semi souterrain consacré à la lune et les deux dernières marches ne sont en fait qu’un seul bloc de pierre. Les solstices d’été et d’hiver s’alignent au millimètre près avec les angles de la grande porte d’entrée.
Dans cet espace on trouve deux gros monolithes. Celui de Ponce, très bien conservé, sur lequel chaque centimètre est gravé minutieusement, en pierre andésite, et celui de Fraile en grès qui semble représenter une femme et est bien moins conservé que l’autre.
Dans le temple à divers endroit il y a des trous dans la pierre, lorsque quelqu’un y murmure on peut parfaitement l’entendre, ce sont des amplificateurs naturels.

La porte du soleil (Inti Punku) est un monument très célèbre construit en un seul bloc d’andésite de 10 tonnes, de 3 mètres de haut et 4 mètres de large et aussi en regardant les semaines et les solstices. Dans le centre c’est la figure du « senor de los báculos » qui est représenté, ou Viracocha, le créateur du monde. Viracocha est aussi le dieu suprême des incas. Vous vous souvenez de Tintin et le temple du soleil ? En fait, c’est ici !
Cette porte représente un calendrier, on y retrouve les 52 semaines. Autour du dieu qui tient des sceptres à tête d’oiseau sont sculptés 32 hommes soleil et 16 hommes condor. A l’origine la porte était recouverte d’or.

La pyramide d’Akapana d’un périmètre de 800 mètres, 7 terrasses échelonnées et 18 mètres de haut est en bien piteux état et en phase de restauration. En son centre se trouvait une immense croix andine mais les espagnols pensant qu’elle cachait de l’or l’ont détruite. Cette croix andine, la Chacana, c’est l’essence même des croyances tiwanakus et incas, des peuples indigènes des Andes centrales, un symbole millénaire, la « cosmovision ». Une pyramide de trois étages pour unir le haut du bas, la Terre et le soleil, l’humain et l’être supérieur. Ce symbole ne vient pas par hasard, il résulte de l’observation astronomique, la croix en son entier représente les composants opposés, l’homme et la femme, le ciel et la terre, l’énergie et la matière, le temps et l’espace…

Le temple semi souterrain consacré à la lune est lui aussi impressionnant, à deux mètres au dessous du niveau du reste du site, quasiment carré, il est construit avec 57 piliers taillés dans le grès et à l’intérieur il y a 175 têtes différentes et du plusieurs ethnies sculptées qui ressortent du mur. Il y a plusieurs théories à ce propos, je vous laisse imaginer la votre (certaines têtes sont sur nos photos). Les canaux pour l’évacuation des eaux sont légèrement inclinés et fonctionnent encore de nos jours.
Au centre de cette place il y a différents monolithes et avant s’y trouvait un immense monolithe (monolito Benett) de 7,20 mètres et 20 tonnes qui après un long séjour à La Paz est de retour au musée du site et est fantastique à regarder, les gravures qui le recouvrent sont tellement fines et encore si visibles ! Il représente une sorte de calendrier agricole notamment. Nous n’avons pas de photo, c’était interdit.

Le système d’irrigation autour du site est aussi incroyable, il permettait de produire toute l’année dans cette région froide et pourtant hostile. Des fins canaux passant dans des petits chemins de terre sinueux, des couches de pierre et de terre superposées : le jour le soleil chauffait l’eau qui circulait dans les canaux pour créer un microclimat. Après la récolte les canaux étaient asséchés et tout le matériel sédimentaire qui y était déposé permettait d’enrichir les terres.

Le travail céramique des tiwanakus suit une évolution naturelle vu la longévité de la culture et l’excellence de son œuvre laisse des traces dans les cultures environnantes et la céramique inca bien sur aussi, comme les céramiques à forme humaine ou animale. Les verres à usage rituel, les queros, sont particulièrement élaborés. Les monolithes gravés en ont un dans la main d’ailleurs.

Nous n’avions pas assez de temps pour tout voir mais il ne faut surtout pas rater les deux musées du site où se trouvent beaucoup des éléments qui ont été trouvés dans les temples.
Nous repartons assez fascinés de Tiwanaku, nous avons tellement vu et appris aujourd’hui !

Parmi les nombreuses activités que proposent la ville nous choisissons la sympathique promenade à vélo en montagne sur la « route la plus dangereuse du monde ». C’est une classification mondiale qui a donné ce titre prestigieux à ce chemin, lorsqu’elle était l’unique passage pour rejoindre le village de Coroíco. Aujourd’hui une route plus sure permet au trafic de s’épargner ce petit chemin sinueux et instable et il n’est quasiment plus utilisé que pour les touristes à vélo. Heureusement, parce qu’on ne serait pas très emballé de faire un trajet de bus sur la « Death Road »! Ce sont 64km de descente de 4700 mètres d’altitude à 1300 mètres. Très vite notre appréhension s’estompe, c’est vraiment un beau chemin et ce n’est pas intensif physiquement. Nous sommes un groupe de 12 personnes et chacun peut suivre son tempo : les foufous devant et moi derrière. Cela passe tellement vite, on voit pas les kilomètres avancer !
On fait des pauses régulières pour prendre des photos (ou plutôt se faire prendre en photo…) et manger un snack. Pour tomber dans l’impressionnant vide il faudrait vraiment faire le pitre ou ne vraiment pas avoir de chance. Malgré tout il y a encore souvent des accidents.
Il faut dire que la route est sans cesse traversée de cascades et ruisseaux qui accélère l’érosion et rend le terrain instable. Rien que le jour de notre passage il y a deux éboulement dont l’un empêche le passage de véhicules (voir photos), ce qui fait que nous ne croisons personne en sens inverse.
A l’époque où cette route était un passage obligatoire il y avait toutes les semaines un accident dans lequel un véhicule tombait dans le vide. Pas d’issue possible, chaque chute est mortelle.


Autour de La Paz il n’y a que l’embarras du choix pour faire des ascensions plus ou moins sportives. Le plus difficile à escalader est l’Intimani, le deuxième sommet du pays. En face il y a le Huayna Potosi, un sommet relativement accessible aux néophytes qui souhaitent grimper une cime à 6000 mètres et un glacier. Nous y réfléchissons un peu mais y renonçons à cause du temps (il faut 2 jours + 1 d’entraînement), de la difficulté (qui serait haute pour moi) et de la saison des pluies qui ne peut pas nous assurer une belle vue une fois au sommet.

Une autre excursion que nous faisons afin de monter sur une montagne autour de La Paz est celle du volcan Chacaltaya. Nous nous décidons pour un tour organisé car il n’est pas facile d’y aller par soi même.
Jusqu’en 2010 on pouvait skier ici dans la station de ski la plus haute du monde à plus de 5000 mètres d’altitude. Bon, en 2010 c’était la fin il ne restait plus que 200m de piste. La station a été construite dans les années 30 mais le réchauffement climatique a fait fondre chaque année le glacier. C’est assez impressionnant comme paysage. Le bus nous dépose à l’ancien restaurant de la station et alors il reste 200 mètres à monter et l’altitude se fait sentir, nous avons le souffle coupé et nous réjouissons de ne pas être partis pour grimper le Huayna Potosi. En haut nous sommes à 5400m et si les nuages partaient on aurait une vue parfaite sur ce volcan.

Sur cette visite s’achève notre escale à La Paz, nous prenons le 17 février un mini bus pour Copacabana au bord du lac Titicaca.

  1 comment for “La Paz et alentours

  1. Daniel
    14. mars 2016 at 17:35

    • Quelle merveille que cette Bolivie !
    • Elle a pourtant été décimée lors de deux guerres : celle du “Pacifique“ avec le Chili et le Pérou vers 1895, où elle a perdu sa façade maritime, et celle avec le Paraguay en 1935, appelée guerre du “Gran Chaco“ qui lui a valu la perte de la portion sud-est du Chaco semi désertique.
    • Et pourtant, grâce à vous, je retiens ses déserts salés, ses geysers, ses mares d’eau chaude, ses mines d’argent et d’alu, ses dinosaures, ses statues antiques, ses sculptures rupestres, ses broderies, ses lamas, son aérodrome El Alto, presque aussi haut que le Mont Blanc, cette descente vertigineuse en vélo de près de 3000 m. de dénivelé,
    • et puis cette petite ville de Copacabana sur le lac Titicaca, dont le nom a été repris par un marin pour dénommer la grande Plage de Rio…..
    • Viva el Bolivia !

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