Salta et la Quebrada de las Conchas

Après la visite de plusieurs domaines viticoles à Cafayate le 25 janvier nous allons faire la visite d’un canyon qui se trouve sur la route direction Salta, appelé « quebrada de las Conchas ». Pour cela nous partons avec un petit groupe en camionnette avec toutes nos affaires, dans l’idée de partir directement après pour Salta.

Il s’agit d’un canyon sculpté par l’eau et érodé par le vent appelé « conchas » pour les coquillages qu’on y retrouve, témoins que la région était sous l’eau dans un passé lointain (9 millions d’années).
La visite dure au moins 5 heures et nous passons de site en site pour observer de curieuses formations rocheuses, ravins et dunes arc-en-ciels : le zinc, le cuivre, le fer, le cobalt, le manganèse… chaque minéral apporte ses couleurs et l’on pourrait réellement penser que quelque farfadet malicieux serait passé avec un pinceau par là. On s’arrête devant des rochers aux formes évocatrices (un crapaud, des châteaux, des fenêtres, un obélisque…) et pour moi le clou du spectacle c’est « l’amphithéâtre » qui est un cul-de-sac entouré de falaises dont n’importe quel son est magiquement amplifié. Nous y restons un moment à écouter un musicien local qui profite de l’endroit et du passage constant des touristes.

Regardez la vidéo suivante avec un bon volume sonore, les quarante dernières secondes le musicien utilise même mon ukulele !

L’excursion se termine sur un autre spectaculaire cul de sac, la gorge du diable (encore! Décidément il a bon dos le diable) où Tobi s’amuse à escalader et moi je stresse que notre bus passe.
A cet endroit même nous attendons le bus (en retard d’une heure) pour Salta, un bus que nous prenons de nuit, c’est dommage car nous ratons le paysage, mais comme d’habitude, il faut choisir, on ne peut pas tout voir.

Nous nous endormons dans le bus qui arrive à minuit à Salta. On est fatigués et je n’ai pas la patience de partir à la recherche du parfait hostel. Cela tombe bien, un rabatteur nous propose quelque chose qui correspond à ce que l’on recherche avec le petit plus : l’hostel paie le taxi. Parfait !
Nous voilà donc à minuit et demi dans un énorme hostel (Backpackers Suites), la salle principale est remplie, bruyante, blanche et stérile. Le personnel est nonchalant et nous  n’avons que peu de patience.
Le type d’une grande finesse qui nous amène vers nos lits allume les lumières des deux chambres (fille/garçons, zut, on nous avait pas prévenus !) et voilà les dormeurs forcés de se réveiller à presque une heure du matin. Quelle délicatesse ! Les filles ne me feront pas de cadeau à cause de lui. Cet endroit est bof, au petit-déjeuner on se sent à l’armée et il ne nous faut pas plus de temps pour remettre nos sacs sur le dos et repartir chercher bonheur.
Ce que l’on cherche on le trouve au coin de la rue en l’hostal Nuevo Puesto.

Une fois que nous avons posé nos affaires nous partons explorer la ville et surtout visiter le musée d’archéologie de haute montagne (le MAAM) que je sais fascinant. La culture inca ne nous a jamais semblé si proche spécialement dans ce musée qui nous montre quelques aspects rituels de ce peuple barbare et pourtant si civilisé qui a gouverné l’empire vaste de Tawantinsuyu à peu près de 1400 jusqu’à l’arrivée des espagnols en 1532. (Le peuple existe depuis le XIIIe siècle mais son extension du rayon de 40km au-delà de Cuzco n’a commencé qu’à partir du règne de Viracocha Inca.
C’est assez surprenant de constater à quel point cette civilisation a pu s’étendre (780000 km² tout de même) en si peu de temps (un peu plus d’un siècle) alors que d’autres civilisations millénaires sont si peu connues (comme celle de Tiwanaku).

Il faut savoir que cet empire (appelé Tawantinsuyu signifiant « quatre en un ») s’étendait sur les territoires de Colombie, Equateur, Pérou, Bolivie, nord du Chili et de l’Argentine, un territoire divisé en quatre régions dont le centre était Cuzco.
Les régions s’appelaient Chinchaysuyu (nord ouest), Antisuyu (nord est), Cuntisuyu (sud) et Collasuyu (extrême sud et sud ouest). Attention tous ces noms et informations ont des multitudes d’orthographes et explications différentes et l’on s’y perd. Cela vient aussi du fait que les incas n’avaient pas d’écriture. La version et orthographe que j’expose est celle du musée de Salta.

Cette extension du peuple inca s’est faite « pacifiquement » si l’on peut dire. Au lieu de massacres il y avait une intégration du nouveau peuple à l’empire, un système unificateur, les nouvelles populations conquises gardaient leur chef et élites locales tandis que les incas gouvernaient à distance (contrôle stricte des richesses naturelles et agricoles ainsi que paiement de taxes), imposant une langue commune (le quechua) et une religion sans leur interdire leurs cultes existants. De toutes façons ce sont tous des peuples animistes qui vénèrent de nombreuses divinités de la nature, cela ne va pas en contradiction avec les croyances incas, mais nous en reparlerons dans un autre contexte (lorsque nous serons au Lac Titicaca le berceau de la civilisation inca).

Si les espagnols ont pu si facilement vaincre le peuple inca c’est qu’il sortait d’une guerre interne de dispute du pouvoir qui l’a laissé faible : deux fils (Atahualpa et Huascar) qui se disputent le pouvoir à la suite du décès de leur père (Huayna Capac), celui qui gagne finalement la guerre contre son frère se fait assassiner par les espagnols dans un contexte de trahison (il devait être relâché contre une rançon, les espagnols ont pris la rançon et exécuté le chef-dieu) et aussi en raison de la supériorité de leur armement (les armes à feu autant que les chevaux, ces grands animaux que ces blancs barbus chevauchaient ont du être une vision apocalyptique !). Il faut dire aussi que les incas ne se sont pas méfiés, la croyance voulait que leur dieu Viracocha reviendrait sur terre pour apporter paix et prospérité et cette vision correspondait à l’arrivée des espagnols.
Les colons espagnols comme partout ailleurs sur le continent ont ravagé, pillé et massacré les peuples sans parler d’épidémies dévastatrices de maladies européennes. Un siècle après leur arrivée il ne reste des 15 millions d’incas que 600000 personnes.

Revenons à notre musée (attention au volume sonore sur le très bon site internet). Le rituel principal qui y est mis en valeur est celui de la Capacocha, celui du sacrifice d’enfants comme « obligation réelle » pour rétablir l’ordre cosmique dans des circonstances difficiles, apaiser les dieux. Il est important de le préciser car il ne s’agissait pas d’un rituel d’habitude, il n’a été retrouvé « que » 27 enfants momifiés dans la cordillère dont 8 en Argentine.

Il faut aussi comprendre que pour eux il n’y avait pas de mort. Les enfants choisis iraient rejoindre une seconde vie, la renaissance dans le monde des divinités. C’est pourquoi ils étaient richement parés, accompagnés de nombreux objets et installés en position fœtale.
Les enfants étaient choisis pour leur beauté exceptionnelle et l’absence de défaut physique. Ils venaient de familles riches et appartenant à l’élite. Chaque province envoyait un ou plusieurs de ses enfants à Cuzco lorsque l’empire en faisait la demande. On parle là de 500 à 1000 enfants qui parcouraient les routes officielles (chemin de l’inca) avant d’être l’objet de grandes cérémonies où les enfants étaient sanctifiés et recevaient des présents propres à leur nouvelle condition de provenance de tout l’empire (comme des tissus fins de signification hautement symbolique, des coquillages de l’Equateur, du métal de la cordillère, des laines fines de l’altiplano, des plumes de la jungle amazonienne, des feuilles de coca de la jungle bolivienne, des pigments de terre, du mais de basse altitude et des zones chaudes, des pommes de terre des hauteurs, de la manufacture de la capitale…). Il y avait aussi des mariages symboliques entre les enfants afin d’unir les contrées éloignées et diverses du territoire inca.
Ensuite ils retournaient dans leurs communautés et devaient cette fois marcher en ligne droite quel que soit le terrain et les obstacles à parcourir jusqu’au lieu désigné pour le sacrifice. Ce chemin pouvait prendre des semaines voir des mois et dans les villages dans lesquels ils passaient ils étaient acclamés, vénérés et recevaient des cadeaux tout comme lorsqu’ils arrivaient dans leur propre communauté.

Lorsqu’ils arrivaient à l’endroit choisi tout était préparé pour la cérémonie qui diffère selon les endroits. Le fait commun était celui de faire absorber à l’enfant de la chicha (alcool de mais) et des feuilles de coca. Ainsi il était déposé inconscient à l’endroit du rite accompagnés de nombreux objets et richesses ainsi que de petites figurines les représentant. L’enfant mourait généralement d’hypothermie (dans le cas des momies de Salta et beaucoup d’autres) mais certaines fois la mort pouvait être plus brutale.
Il y a tellement à raconter de cette philosophie si particulière et un blog de voyage s’y prête peu. J’espère que tous ces détails vous fascinent autant que moi.

Les trois enfants qui sont au musée de Salta (une peut être vue à la fois) ont 6, 7 et 15 ans et ont été trouvés sur le volcan de Llullaillaco à 6738 mètres d’altitude. Les momies sont dans un tel état de conservation qu’on dirait qu’elles vont ouvrir les yeux.
La quatrième à l’étage d’en bas est différente (La Reina del Cerro), elle semble avoir souffert et est de retour à Salta après avoir été pillée et avoir fait le tour du monde presque 100 ans après sa découverte.

Le musée évoque aussi la Qhapaq ñan, le chemin de l’Inca. On connaît 20000km de ces chemins et l’on estime qu’il y en avait le double lorsque l’espagnol est arrivé.

A part ce musée nous visitons la ville. Alors que les touristes comme nous prennent le téléphérique de San Bernardo qui mène au poumon de nature au centre de la ville, les Salteños le grimpent à pied (et en grand nombre) à l’heure de la sieste. Pas facile, les marches sont nombreuses, à inégale hauteur et c’est un vrai chemin de croix.

Le soir nous allons dans le quartier sur de la gare dans la rue Balcarce. Dans cette rue de nombreux restaurants ou « Peña » s’alignent et les rabatteurs nous incitent à rentrer pour écouter les groupes et admirer les danses folkloriques en costume traditionnel. Nous ne regrettons pas la balade, ni cette horrible boisson argentine que je voulais goûter, le Fernet Branca, mais on ne m’y reprendra pas!

Le 28 janvier après le petit déjeuner nous partons en bus pour notre prochaine escale, la Quebrada de Humahuaca et retrouvons Rémi, le canadien rencontré à Cafayate avec qui nous décidons de faire un petit bout de route.

 

Information pratique:

Notre Hostel à Salta, Hostal Nuevo Puesto, calle Jujuy 159, Tel : (0387) 4-211049 Mail : reservas@hostalnuevopuesto.com mais demandez à ne pas avoir de chambre qui donne sur la rue très bruyante jour comme nuit

  3 comments for “Salta et la Quebrada de las Conchas

  1. Moni
    17. février 2016 at 9:01

    Beeindruckende Farben der Landschaft! Das Musik-Video aus dem Amphitheater ist wunderbar. Freue mich schon auf die Lamas in Ecuador♡:-)

  2. Maman
    17. février 2016 at 11:40

    tu aurais du jouer du ukulele avec lui dans “l’amphithéâtre”…

  3. Zouzou
    17. février 2016 at 14:16

    Je viens de rattraper tout mon retard de lecture: 2h30 de découvertes passionnantes !
    Quel superbe voyage ! Quel partage réussi !
    Je me régale de tes récits bien détaillés, j’admire toutes vos jolies photos et je visionne vos petites vidéos avec délice. J’aime particulièrement les vidéos “musicales”….
    Je vous embrasse bien fort <3

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