Cafayate

Le 23 janvier après une visite fascinante des ruines de Quilmes nous nous faisons déposer sur la route principale par une famille en vacances et montons immédiatement dans un “colectivo” qui nous amène plus vite et pour moins cher que le bus à Cafayate.
Nous arrivons en milieu d’après midi à Cafayate, une petite ville de la province de Salta de quelque 15000 habitants. Comme toujours il fait très chaud et nous errons à la recherche d’un logement. Tout est cher et plein. Un mec nous propose une pension dans la rue et nous voilà chez Chicha y Aloja. C’est simple, propre, familial et pas cher. Dehors sous la vigne c’est très charmant. Tout d’abord nous allons manger une glace bien méritée et explorons sommairement le centre.

Le soir nous rencontrons Mathilde et Rémi, une française et un québécois avec qui nous passons la soirée. Nous recevons pleins de conseils de Mathilde qui vient de là ou nous souhaitons aller et tous ensemble nous allons goûter quelques vins artisanaux présentés dans une sorte de festival sur une petite place de la ville. Artisanal ça veut peut être dire naturel, authentique mais cela veut aussi dire infecte et sans le moindre suivi de qualité. On parle de micro productions que chacun semble fabriquer dans sa cave. C’est du vinaigre! Nous ne persévérons pas et rentrons nous coucher.

Le lendemain nous nous levons bouffis. On a mal dormi, il a fait très chaud et les moustiques s’en sont donnés à cœur joie. Après le bon petit déjeuner nous partons nous chercher un autre logement. Nous resterons non loin dans un hostel qui semble plus frais, El Balcón, et qui a sur le toit une super terrasse avec une vue majestueuse à 380 degrés.
Ensuite nous allons visiter quelques domaines. Beaucoup sont en centre ville et à proximité de la ville.

Cafayate, au centre des vallées Calchaquíes, produit du vin depuis le XVIIIe siècle. Comme dans tous les pays d’Amérique du sud ce sont les colons espagnols qui ont apporté la vigne. A l’origine la culture de la vigne fait partie intégrante de la mission d’évangélisation. Ce sont les Jésuites les premiers vignerons, et le vin de messe le premier cru.
Le terroir s’étend jusqu’à Santa Maria et Colomé sur environ 4000 hectares (aussi grand que le terroir de Cahors ou des Côtes de Bourg).

Cette région se caractérise par des conditions climatiques très singulières pour la culture de la vigne :

  • La température moyenne annuelle est de 18 degrés.
  • Les vignes poussent entre 1500 et 2000m d’altitude ce qui provoque un effet plus intense des rayons du soleil
  • Les précipitations annuelles sont très limitées (entre 80mm et 180mm) ce qui permet au vigneron de réguler lui même l’irrigation
  • Les montagnes qui entourent la vallée empêchent au vent humide de l’est de passer ce qui contribue à une bonne santé des cultures
  • L’amplitude thermique est extrême, il peut y avoir 20 degrés de différence entre le jour et la nuit ce qui permet au raisin de profiter de la chaleur du jour en incorporant nutriments et se « reposer » la nuit.
  • Les sols sont constitués de sédiments de type sable fin avec en dessous 40 % à 50 % de pierre ce qui permet un excellent drainage.

Les locaux sont très fiers de dire que les meilleurs vins sont issus de vignes qui luttent pour leur survie, à cause d’un stress hydrique, de sols pauvres en matières organiques, nitrogène et phosphore et dont les racines doivent se frayer un chemin au milieu de la pierre.

La bodega Domingo Hermanos qui a tout juste 40 ans est divisée en deux structures et celle qui est au centre ville est l’attraction touristique. Elle se concentre sur la production des vins de grande consommation : un vin rouge doux vendu dans des bonbonnes de 5 litres (des dame-jeanne que nous retrouvons par ailleurs dans toute la région et aussi à San Juan pour les vins plus simples) et le Torrontés blanc sec de la ligne de base. Une bodega plus centrée sur les vins de garde se situe non loin, à 5km du centre.
La structure produit 3 millions de litres de vin et possède 300 hectares de vignes propres. Le Torrontés représente ici juste 30% de la production, 40% de Malbec, 20% de Tannat et 10% de Syrah.

Nous partons ensuite visiter une toute petite bodega, la bodega Nanni. Elle date de 1897 et est complètement bio. Ce sont 40 hectares de vignes au travail entièrement manuel. Elle emploie 4 personnes à l’année et 2 supplémentaires en période de vendanges. Là pour le coup le Torrontés représente 50% de la production qui est estimée à environ 300000L par an. Nous faisons une petite dégustation et sommes séduits. Le Torrontés, jeune et floral est excellent. Je me souviens du Tannat qui offre la même complexité que certains Tannat uruguayens, du fruit et pas d’astringence (jeune, sans barrique, pas la gamme premium en plus!). Enfin j’hésite toujours à goûter les vins sucrés style vendanges tardives, je suis trop fan du Sauternes pour apprécier ces « Late Harvest » qui n’ont pas sa complexité, et pourtant celui de Nanni est un gourmand vin d’apéritif, fleurs blanches, pêches et miel (100% Torrontés encore) qui en plus, pour un prix dérisoire, ne laisse à personne le droit de critiquer.

Je parle souvent du Torrontés et je n’en ai pas raconté l’essentiel : vous l’aurez compris il s’agit de la spécialité locale. Le Torrontés est au nord de l’Argentine ce que le Malbec est à Mendoza ou le Gamay au Beaujolais : son identité. Il n’y a aucun endroit dans le monde où il se soit aussi bien adapté (est-il même planté ailleurs?). Il en existe 3 types (riojano, mendocino et sanjuanino) et le meilleur est le riojano qui est aussi le plus produit dans la région. Si aujourd’hui la demande internationale est aux vins rouges et que le blanc a reculé dans la production du nord argentine, toutes les maisons locales lui réservent une place surtout en entrée de gamme, frais, aromatique, jeune et sec. On dit que c’est un cousin du muscat d’Alexandrie, au niveau de sa palette aromatique on peut le croire. Ce n’est pas un cépage qui se prête à des essais de garde du même type que les cépages blancs bourguignons (chardonnay, pinot blanc…). Nous, on l’a tout de suite adopté, le parfait vin blanc léger, frais, aromatique et jeune comme savent le faire les allemands.

Nous visitons ensuite le grand musée du vin de la ville. Il est très moderne, à grandes sensations. Il joue sur le son et la lumière ce que trouve la plupart des visiteurs en même temps que nous très cool. Par contre s’il donne un certain nombre d’informations techniques et historiques sur la viticulture de la région il y a pas mal de répétitions et beaucoup de propagande style “le meilleur terroir du monde”. Ensuite les textes sont trop longs, personne ne les lit. En gros c’est un très beau musée fouillis mais c’est pas mon préféré.
Le soir nous goûtons quelques délicieux vins locaux et assistons à la vie nocturne dynamique de Cafayate.

Le lendemain matin nous louons des vélos et partons visiter d’autres domaines. Il n’y a que l’embarras du choix quant aux bodegas à visiter. Pour beaucoup il n’est pas nécessaire de réserver. Tant mieux car une fois de plus je ne suis pas bien préparée!
Le domaine le plus connue pour nous européens est sans doute la Bodega Etchart qui a été rachetée par le groupe Pernod Ricard. Elle est très grande, très moderne et pas ouverte aux visites. De toutes façons, je m’imagine peut être à tort une usine, cela ne m’intéresse pas. Ils rachètent des parcelles à la pelle et absorbent tout à ce qu’il paraît.

Nous partons dans l’autre direction et commençons par la Bodega Vasija Secreta, un vieux domaine de 1857. Le domaine produit 60% de Torrontés. 96 hectares de vignes pour une production annuelle de 800000 bouteilles dont 20% partent à l’export. Nous goûtons leur Torrontés de 2015 et Malbec de 2014, des vins jeunes, fruités et solides.
Sur la route nous nous arrêtons à la Bodega El Esteco pour prendre quelques photos mais ne faisons pas de visite, pas assez de temps, même si on dit que le domaine produit parmi les meilleurs vins de la région.

Comme dernière visite nous choisissons la prestigieuse jeune maison Piattelli à 1750m d’altitude. Pour cela il faut pédaler sur une piste en montée avec une roue dégonflée et en plein cagnard. Nous avons bien mérité ce que nous voyons, le domaine de 100 hectares est aussi spectaculaire que la vue dont il jouit. La structure appartient à des américains qui l’ont équipée de la plus moderne des technologies ainsi que la plus évidente : le moins de manipulation possible pour le précieux liquide et le transport par gravité de l’arrivée des raisins en haut jusqu’aux barriques en bas.
La production est de 600000 litres avec une nette augmentation tous les ans vu la jeunesse des ceps (7 ans). 60% de Malbec, 20% de Torrontés, 10% de Tannat et 10% de Cabernet Sauvignon. 75 % est exportée aux USA/Canada et le reste en Argentine et au Brésil.
La récolte a lieu début mars normalement dans la région mais ici vu l’altitude et l’ensoleillement elle a lieu mi février.
Le chai est la preuve des gros moyens des propriétaires, uniquement des vins « réserve » qui passent en barrique renouvelées tous les ans, la capacité totale des barriques est de 700000 litres. C’est colossal !
Pour la dégustation nous avons le droit à une étude comparative des crus réserve d’ici et de la structure de Mendoza. La dame nous explique que le travail est identique, le matériel aussi et que seuls les sols sont responsable de la différence notable des vins. Point négatif, vu la jeunesse de cette structure il est difficile de comparer les vins… qui ne sont pas du même millésime ! Que ce soit le Malbec, le Cabernet Sauvignon ou l’assemblage Malbec Tannat nous apprécions un fruité plus intense à Cafayate devant une certaine lourdeur du bois à Mendoza. Mais il faut vraiment chercher un défaut, les vins sont top !
Le Torrontés et aussi le rosé de Malbec. Top, oui, mais est-ce qu’ils justifient les prix élevés ? Je n’en suis pas sure. Moi j’ai préféré Nanni ! Na !

Après cette escapade gustative nous devons rentrer pour la suite du programme.
Nous déjeunons des humitas au marché et montons à 14h avec nos affaires dans la camionnette du tour opérateur qui nous amène visiter la Quebrada de las Conchas avant de nous laisser pour le bus de Salta, à 19h30 ce 25 janvier.

  1 comment for “Cafayate

  1. Wolfgang
    14. février 2016 at 0:53

    Hallo ihr Beiden!
    Mit euren tollen Reiseberichten habt ihr mich sehr gefesselt und begeistert. Umso erschrockener war ich heute kurzzeitig, als ich von eurer Reisemüdigkeit las, die aber jetzt hoffentlich schon wieder so schnell verschwunden ist, wie sie anscheinend wohl auch gekommen war. Als Rezipient eurer Bildergeschichten geht es mir in etwa so wie beim Lesen eines spannenden bebilderten Fortsetzungsromans: gespannt auf die Fortsetzung und in Sorge vor einem endgültigen Schluss (meines des Konsumvergnügens). Natürlich ist meine emotionale Identifikation mit Euch als Protagonisten erheblich intensiver und ich bin auch viel gespannter darauf, wie es für euch und mit euch dort in Süd- (und Mittel-?) Amerika noch weiter gehen wird und wünsche euch dafür alles, alles Gute!

    Liebe Grüße von
    Walburga,
    Lisa (ist gerade in den Semesterferien bei uns und fährt morgen mit uns für 1Woche ins Kleinwalsertal zum Skifahren) und
    Wolfgang

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