Puerto Natales et les Torres del Paine

Nous arrivons à Puerto Natales le 7 décembre depuis Punta Arenas. La route prend trois heures et nous laisse un peu hébétés dans ce terminal de bus moderne en périphérie de la petite ville. Nous nous dirigeons vers la « Casa Teresa », un logement recommandé dans le guide « Patagonia » que nous ont donné Marjolaine et Vincent à Rio Gallegos. Ce guide moins répandu nous permet d’accéder à des endroits moins populaires et nous nous demandons même si cette bâtisse en métal rose à 15 minutes de marche de la gare routière renferme un endroit sympa. Sympa oui, mais surtout tranquille. Des lits de mamie avec gros matelas et couvertures épaisses, une vieille dame qui nous fait le petit déjeuner même à 6 heures du matin avec pains chauds et confiture maison, tout ça pour un prix inférieur à la moyenne locale, on aime ! Pour 4 euros de plus on prend une chambre double avec plein d’espace pour préparer nos sacs pour la grosse rando.

Ensuite nous allons directement nous renseigner pour un départ dès le lendemain. La météo va se gâter alors il ne faut pas perdre de temps. Chez la fille de Teresa, la dame qui nous loge, nous louons tout notre matériel (tente, sac de couchage, tapis de sol et matériel basique pour cuisiner). Pour à peu près 60 euros nous sommes équipés pour trois nuits, et pour 48€ nous avons à manger pour 3 journées et demi et 3 nuitées. Le menu reste basique puisque nous n’emportons qu’une casserole : deux fois pâtes une fois risotto (qui a d’ailleurs cramé la casserole, bravo!) et pour le midi des sandwichs jambon-fromage et tomate/avocats/poivrons. Comme en-cas et pour nous donner de l’énergie nous avons acheté des fruits secs et des biscuits pour le petit déjeuner. Nous chargeons les sacs avec tout ce fouillis ainsi que des habits de rechange, mais nous prévoyons de changer d’habits seulement s’ils sont mouillés : nous avons des vêtements thermorésistants, ils peuvent bien faire plusieurs jours sans qu’on s’en rende compte.
Mon sac est très léger et Tobi un peu moins léger puisqu’il tient à m’en donner le moins possible et porte toute la nourriture et le matériel de cuisine.

C’est la carte de notre route à une exception près, nous avons pris un raccourci pour ne pas redescendre jusqu’en bas le deuxième jour.

Une meilleure carte de rando que celle qu’on nous donne en arrivant au parc: ici.

Nous prenons le bus le 8 décembre à 7h30. C’est l’un des 4 bus qui part quasiment plein pour le parc. Tous le même prix et horaire. Il y a 112km à parcourir.
Vers 10 heures nous arrivons au centre de visiteurs du parc où nous devons tous accomplir les mêmes formalités : remplir une fiche de renseignements, payer 25€, recevoir une carte du parc et regarder une vidéo de prévention surtout axée sur le danger du feu qui a déjà ravagé tellement d’hectares du parc à cause de la négligence des touristes. C’est très bien organisé mais nous sommes près de 200 personnes à arriver en même temps alors ça fait peur !
De là heureusement le groupe se scinde au moins en deux : suivant le sens de la randonnée choisie. Comme quasiment tout le monde fait le « W » il s’agit du sens. Il semble que ce jour là en tout cas, plus de la moitié partent de l’autre côté, tant mieux pour nous !
Ils partent avec les mêmes bus et nous montons dans un transfert, encore payant, pour l’hôtel « las Torres » où nous commençons la rando un peu avant 11 heures.

Je m’emballe et pars du principe que tout le monde connaît le parc des Torres del Paine ! C’est l’un des parcs les plus visité du continent et en tout cas le premier au Chili avec 200000 visiteurs en 2014. La fréquentation est toujours en augmentation ! Les visiteurs ont tous un point commun : ils sont motivés pour randonner sur des sentiers à mon sens pas faciles dans des paysages très contrastés et dans des conditions météos difficiles.
Niveau géologique le Massif Paine n’a rien à voir avec la formation de la Cordillère des Andes, car elle est plus récente, elle s’est faite il y a à peu près 12 millions d’années à travers une intrusion de magma qui s’est refroidi et a formé les belles formations granitiques qui sont aujourd’hui connues comme les Tours du Paine. Les couches sédimentaires supérieures ont presque partout disparu, sauf au sommet de quelques formations telles que les « Cuernos del Paine » et le Fortaleza. Cela explique les différences de couleurs, dues à la différence de matériau : foncé pour les sédiments, plus clair pour le granite.

Les premières heures de cette longue randonnée seront pour moi les plus dures, pas seulement à cause du dénivelé mais aussi parce que les sacs sont pleins, qu’on a beaucoup de vent de face et qu’on est pas entraînés. Nous montons à travers la Vallée de la rivière Ascencio et d’antiques forêts de Lenga, parfois proche du vide et en se méfiant du vent assassin.
On arrive au Refugio Chileno, on mange et plantons la tente puis repartons pour le Mirador Base Torres avec vue imprenable sur les trois Tours (2800m de haut), le lac et le glacier suspendu. Les tours ne sont pas ensoleillées mais au moins on peut les voir ce qui n’est pas toujours le cas !
Cette journée ce seront 11 kilomètres et 800m de dénivelé pour 5h de rando à peu près. Le dernier kilomètre est le plus dur, il faut monter par une moraine (« Une moraine est un amas de débris rocheux, érodé et transporté par un glacier ou par une nappe de glace ») très prononcée dont les roches sont toujours plus grandes. En haut il fait très froid heureusement nous sommes équipés.
Le soir nous nous faisons une place dans la salle commune du refuge plein à craquer et malmené par de jeunes randonneurs assez peu soucieux du bien commun. La moyenne d’âge est étrangement plus jeune que nous.

La nuit dans la tente est tout à fait OK et nous nous levons en forme pour la deuxième journée. Beaucoup plus de distance mais bien moins de dénivelé. A deux reprises il faudra monter de manière assez abrupte mais sinon ce ne sont que paysages magnifiques, eaux bleu-céleste et étonnement peu de personnes sur la route. Nous passons le refuge Los Cuernos, du nom des montagnes impressionnantes qui dominent et 5 kilomètres plus loin, après avoir marché sur une plage de cailloux blancs le long du lac Nordenskjold et fait une grosse grimpette nous arrivons au campement Italiano. 17 kilomètres pour la journée et nous sommes fatigués. L’endroit est gratuit et plein, bien une centaine de tentes, plus de bonne place pour poser la notre, un petit toit avec une grande table pour s’asseoir à l’abri mais pleine à craquer, des toilettes dégoûtantes, pas de douche ni d’eau courante et l’eau gelée de la rivière pour boire et faire à manger.
Nous pensons avoir trouvé LA bonne place, plate sans aucun cailloux mais non abritée. Il fait vraiment froid. On fait à manger et on se dépêche de se mettre au chaud dans la tente même si la nuit est loin de tomber.

Non seulement je n’arrive pas à dormir, mais bien vite je me rend compte que je suis déjà mouillée et la nuit n’a pas commencé. Tobi ne dort pas beaucoup non plus et peu à peu, impuissants, nous assistons à la dégradation de la nuit. Tout est trempé, on a froid, dehors il fait 3 degrés et c’est un véritable cauchemar.
Nous faisons durer puis un peu avant 6h Tobi propose que nous continuions.
Heureusement que dans nos sacs que nous avons protégé nous avons des habits secs. Nous les mettons le temps de prendre notre petit déjeuner et se réchauffer et renfilons nos habits mouillés puisqu’il pleut encore.
D’abord nous montons dans la « vallée du français », sous la pluie et même eu après la neige. Régulièrement, le glacier se sépare de blocs de glace faisant résonner un grondement dans toute la vallée, ces grondements que nous avons pris pour de l’orage pendant la nuit. Après deux kilomètres de presqu’escalade nous arrivons au premier mirador. Le temps est affreux et Tobi me demande si on continue. Comme pour nous aider à choisir c’est subitement une tempête de neige et rafale de vent qui s’abat sur nous et je le regarde avec la réponse dans le regard. Nous rebroussons chemin, de toutes façons les chances sont faibles que la visibilité soit bonne plus haut et nous avons déjà une bonne vue sur le glacier.

Nous récupérons nos sacs et plions notre matériel de camping trempé et repartons dans l’autre sens. Plus on descend et plus le temps s’améliore. La première partie n’est que boue et chemins difficiles mais au moins il y a peu de dénivelé. Tout le long de la route nous marchons avec des rafales de vent de face et passons aussi par de mystiques forêts d’arbres brûlés témoin de la négligence des touristes (ici les feux de forêts ne peuvent pas se déclencher seuls, pas de courts circuits ou de chaleur intense). La nature tente de refaire surface et les couleurs sont fascinantes entre ces arbres blancs décharnés, les herbes folles  rouges et jaunes paille et bien peu de vert.
Le vent lui est un traître. Pas parce qu’il souffle fort mais parce qu’on cherche à s’y adapter, créer une balance et même s’ appuyer puis tout d’un coup il s’échappe et l’on manque de tomber. Ou alors il jour à cache-cache, d’un coté puis tout à coup de l’autre et il est difficile d’avancer.

Après 7,5km nous sommes contents d’arriver au « Lodge Paine Central» sur le lac Péhoé qui est un grand luxe comparé à tous ceux croisés ces derniers jours. Il est tôt et il fait à nouveau beau. Le temps de sortir tout le matériel et de déjeuner c’est tout sec et nous sommes décidés à rester une nuit de plus. Sans cela nous serions repartis le soir même. Avec ces températures on ne peut pas rester une nuit de plus dans un sac de couchage mouillé.
Il reste bien deux lits de libre dans le lodge mais c’est trop cher (30000 par personne pour juste un matelas au sec, presque 40€. Avec des draps plus de 50€ et on parle de dortoirs avec salle de bain à partager). Planter la tente revient à un peu plus de 10€ par personne.

Vu que nous ne sommes pas trop fatigués et que nous avons encore tellement de temps nous décidons de monter vers le glacier Grey qui fait partie de champ de glace sud qui est la troisième calotte glaciaire au monde après l’Antarctique et le Groenland. Rien que l’idée de cette immensité de glace nous fascine.
Si la route fait 12km nous ne pensons pas aller jusqu’au bout mais juste le plus loin que nous pouvons. Le dénivelé est de +300m/-300m.
La première heure de route n’est pas géniale, nous marchons dans un canyon assez sec mais après nous arrivons sur un lac où quelques icebergs flottent au fil de l’eau. Nous attendons presque fiévreux d’apercevoir enfin ce glacier tant attendu et marchons, marchons, marchons. Ce n’est qu’après bien 5km que nous arrivons enfin au mirador et le spectacle devant nos yeux est à couper le souffle. Non, les photos ne sont pas à la hauteur ! Nous montons sur le côté, là où il n’y a personne et pouf une bande de « hamsters » (comme les a nommé Tobi) s’empresse de nous suivre et se poser devant nous. Oui, devant ! Grrrr ! On repart donc de l’autre côté sur le point de vue officiel pour être seuls et tranquilles.
Tobi me demande comment ça va… oui ça va, on peut continuer. J’ai conscience qu’il faudra refaire la même route mais je suis irrémédiablement attirée vers ce glacier et brûle de le voir de plus près. On pense que le prochain refuge est tout près de la glace.

La deuxième partie du sentier pour le refuge est plus difficile. On monte par un chemin étroit et très rocheux. La vue sur notre droite est impressionnante, les pointes enneigées du massif du Paine Grande se dévoilent devant nos yeux : la Cumbre Principal (3050m), la Cumbre Central (2730m) et la Cumbre Bariloche (2600m). Sur notre gauche le lac et des icebergs. Nous avançons et avançons. Une descente très abrupte nous fait presque rebrousser chemin (ah le retour sera difficile). Enfin au bout de 11km le refuge et un kilomètre plus loin la vue la plus proche du glacier Grey, ou plus précisément la partie droite du glacier. C’est certes très impressionnant mais c’est encore loin (bien 3 km) je suis un peu déçue.
Il y a beaucoup de vent et nous ne devons pas traîner. Il va nous falloir au moins 3h pour rentrer puisque c’est le temps que nous venons de mettre pour arriver et nos pieds ne sont pas au meilleur de leur forme. Tobi est un peu inquiet, il pense vraiment que nous n’avons pas été raisonnables d’aller si loin avec la fatigue accumulée par les plus de vingt kilomètres parcourus et l’horrible dernière nuit. Nous avalons quelques crackers et des fruits secs et reprenons le chemin du retour qui effectivement est un chemin de croix. Nous mettons 3h15 pour rentrer et les derniers kilomètres sont une plaie. Mes pieds font la grève et j’ai des ampoules. Tobi a mal aux genoux et m’encourage à coup de fruits secs tous les quelques kilomètres.

Nous sommes vers 20h30 de retour et ne devons pas traîner : la cuisine et l’eau chaude sont jusqu’à 22h. Je vais donc à la douche et Tobi commence à faire à manger, puis quand je suis de retour il y va. Un plat chaud et un endroit sec nous font vraiment du bien et la rencontre avec un français fasciné par la route que nous voulons prendre nous donne plein d’optimisme.
Aujourd’hui nous avons marché 35km, 61km en tout sur trois jours et sommes très fiers de nous (surtout moi pour qui tout cela est une première!).

Le lendemain nous restons tranquilles le matin et prenons le catamaran à treize heures qui nous ramène par le beau lac turquoise « Pehoé » aux bus à la Guarderia Pudeto. Au bout d’une demi heure il arrive, nous montons dans le bus qui peu après nous ramène à Puerto Natales. En fin d’après midi nous sommes de retour chez Teresa et profitons d’une bonne douche chaude. Nous avons l’immense surprise d’y retrouver Rebecca et Raphaël qui par le plus grand des hasards sont ici aussi.
Nous allons de nouveau dans notre petit restaurant au coin de la rue, le Restaurante Maritimo où nous nous régalons d’un menu pour deux personnes pour 18000 pesos (15€ par personnes).

La température a bien descendu et heureusement que nous sommes partis directement faire la grosse rando. Le jour suivant, le 12 décembre, nous faisons une journée tranquilles au chaud chez Teresa. Dans l’après midi nous allons boire un chocolat chaud et nous régaler de churros puis nous baladons sur le bord de mer. Sur un ponton où quelques pêcheurs lancent leur ligne et quelques curieux comme nous se baladent une petite otarie décide de faire coucou. Elle monte sur le ponton et se balade parmi nous en cherchant de quoi prendre l’apéro. Nous entendons tristement qu’elle est ici depuis deux semaines et qu’elle est probablement perdue puisqu’on est très loin de la prochaine « loberia » et qu’elle mourra sans doute car elle est trop jeune. Snif.
Le dernier soir nous retournons pour la troisième fois à « notre » restaurant où le patron nous fait la fête et préparons nos affaires pour poursuivre la route demain tôt.
Demain nous allons de nouveau en Argentine à El Calafate pour continuer la découverte du monde des glaciers.

Informations pratiques :
Nous avons été très bien accueillis à la Casa Teresa et ne pouvons que la recommander. C’est simple et dans les chambres il fait un peu frais mais les couvertures sont épaisses et le living-room en bas est très bien chauffé. On est au centre, c’est moins cher qu’ailleurs et la vieille dame propose du pain chaud et de la confiture maison peu importe si c’est très tôt, ce qui n’existe pas dans les hostels normalement.

Vous l’aurez compris le Restaurante Maritimo nous a vraiment plu ! Il n’est pas dans le guide et on y a surtout vu des locaux et des familles. Le menu est intéressant tout comme la carte.

  7 comments for “Puerto Natales et les Torres del Paine

  1. Daniel
    29. décembre 2015 at 16:55

    Bien du mal de vous suivre dans votre ballade “décontractée” du Parque Torres del Paine, le long des glaciers du ‘Paine Grande’. Heureusement, le Lac ‘Argentino’ est assez grand, me permettant de retrouver
    ‘El Calafate’ en Argentine. J’admire comme vous bossez !

  2. Maman
    29. décembre 2015 at 20:22

    Magnifiques photos mais Je reste admirative, je n’aurais jamais pu faire ça où très très jeune…

  3. Breand
    29. décembre 2015 at 21:20

    Super, au travers de vos commentaires vous nous faites vraiment bien vivre votre grande “ballade” ….pourquoi n ai je pas fait ça quand j avais 20 / 25 ans? Rien qu en vous lisant on a presque l impression d y être. Elodie, il faut que tu penses serieusement à écrire des bouquins .
    Gros gros bisous à tous les deux .

  4. Britta
    30. décembre 2015 at 19:16

    Bei den Videos bekomme ich im warmen Zimmer schon Gänsehaut. Dann noch das nasse Zelt.
    So etwas macht man, wenn man jung ist. Sicher sind die Ausblicke gigantisch. Ein “wenig” beneide ich euch schon.

  5. JAMES
    31. décembre 2015 at 15:06

    Comme le précise votre ami c’est un guide vos commentaires , assorti de magnifiques photos et de détails qui nous plongent dans votre quotidien un peu étourdissant.Moins drôle quand vous avez froid et que tout est mouillé, mais la casserole que tient Tobi sur le réchaud me réconforte. En ce qui me concerne je crois que j’aurai pris en option l’assistance héliportée. Félicitations et bon vent, je vois qu’il y a de quoi !! Bises

  6. Jette&Jarda
    31. décembre 2015 at 17:23

    Wir verfolgen mit Spannung und Begeisterung Eure Reiseberichte! Zusätzlich bekommen wir manchmal noch die aktuellsten Informationen über Monika u. Helmut, die uns z.B. den fröhlich-bunten Weihnachtsgruß übermittelt haben! Danke und weiter viel Glück auf Eurer Reise! Diesen Jahreswechsel werdet Ihr bestimmt nie vergessen, auch von uns die besten Wünsche für 2016!
    Jette und Jarda

  7. Daniela
    9. janvier 2016 at 19:17

    Beeindruckende Bilder!! Ein Besuch des Torres del Paine steht auch auf meiner Liste ganz oben… will da unbedingt mal hin und euer Bericht lässt mich weiter davon träumen 😊.

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