Bento Conçalves, les vignes et la Serra Gaucha

Le Brésil est aussi un producteur de vin et Bento Conçalves est la ville centrale de la région viticole « Vale dos Vinhedos », seule et jeune appellation d’origine contrôlée (depuis 2002) du pays de 82 km² qui produit 90 % du vin brésilien.
L’état a produit 4,1 millions d’hectolitres en 2014. La région comprend 700 industries vinicoles et plus de 13000 propriétés vinicoles.
En 2014 le Brésil était 16e producteur mondial (source Sud de France).
Selon les structures que nous avons visité ce sont les vins effervescents qui sont les plus populaires et de plus en plus produits. Sud de France enregistre une croissance de 25 % ces dernières années avec une qualité et une réputation en augmentation.

Avant d’y être nous n’avions aucune idée ni aucune image de ce qui nous attendait, seulement que c’était très touristique et cher, ce qui nous a motivé à faire la visite nous même au lieu de passer par les nombreux tours opérateurs. Nous avons donc loué une voiture et pris la route tôt le matin du 13 novembre.
C’est la pleine heure de pointe néanmoins nous n’avons aucun problème pour sortir de la ville. Il pleut encore, quel dommage !
Au bout de deux heures nous sommes à Garibaldi et nous arrêtons à la gare du train pour l’arrivée de Maria Fumaça la locomotive à vapeur de touriste qui parcourt la région viticole à l’ancienne, avec dégustation de vin, musique et danse traditionnelle à la manière des italiens de l’époque (les colons).
C’est une formidable introduction à ces deux jours qui nous attendent ! La locomotive est parfaitement restaurée et le tchouk tchouk nous renvoie dans les films ou dessins animés. Nous nous voyons même offrir un verre de vin effervescent Moscatel de la coopérative de Garibaldi dont le bouquet nous transporte dans l’ambiance.

Ne sachant pas quoi visiter je me suis orientée sur le classement du Wine Spectator qui comprend 3 vins brésiliens dans les « 100 meilleurs vins du monde ». Non pas que j’y accorde une crédibilité particulière, mais comme tout classement il est destiné à se repérer dans une jungle de références : si quelqu’un a déjà fait le tri c’est que ça doit valoir le coup, même si rien ne me dit que ce ne sont pas les seuls 3 qui ont envoyé des échantillons pour cette dégustation… bref !

Nous partons donc découvrir les vignerons. A la coopérative de Garibaldi nous faisons une visite du chai historique (1931) et dégustons un chardonnay brut (R$26), un autre mousseux méthode « charmat longo » extra brut (R$40), un prosecco (visiblement pas de bataille avec l’appellation italienne éponyme) (R$23), un chardonnay 2014 sec (R$25) et un cabernet/merlot 2014 (R$25). Des vins solides qui me donnent déjà l’impression que nous n’avons pas du tout affaire à des amateurs : ils sont techniquement parfaits et ont beaucoup à donner pour le faible prix, à part le prosecco que je trouve peu structuré.
La production de la coopérative est de 40 % de raisins américains pour le jus de raisin, 40 % de mousseux et 20 % de vins tranquilles. Le jus de raisin semble la principale production de cette région et il est délicieux. Nous en prenons une bouteille pour ce soir.

Nous allons ensuite visiter Peterlongo qui est le seul domaine à produire du champagne dans la Serra, oui vous lisez bien : il a apparemment assez d’ancienneté pour ne pas tomber sous le coup de la législation française et en use assez bien. La structure est chic, beau bâtiment, belle vinothèque et les prix sont nettement au dessus de la coopérative.
Nous n’avons pas visité les chais, comme nous n’avons pas beaucoup de temps je demande si je peux goûter les 3 « champagnes » de la gamme (ils ont de tout, du pétillant estival au mousseux sans alcool et du mousseux industriel à la méthode traditionnelle.
Le « Présence » brut, 12 mois sur lie coûte R$40, il est léger et bien balancé.
Le « Présence » extra brut, 24 mois sur lie à R$46 manque d’harmonie et de crémeux
L’ « Elegance », 36 mois sur lie au prix de 100 Reais (25€) est à mon sens au niveau d’un champagne de vigneron ou un bon crémant. Ce n’est pas non plus un champagne inoubliable mais le moment ne s’y prête pas non plus, comme certains instants magiques qui restent gravés à jamais et influencent naturellement la dégustation. Par exemple un certain Sauternes dégusté en famille le dernier Noël avec ma grand-mère reste pour moi comme un cru de légende, me rappelant la fierté que j’ai eu à le rapporter et le plaisir qu’elle a eu à le boire.

Nous continuons ensuite direction de la route des vins et nous arrêtons au domaine Don Laurindo, petite structure familiale de 15 hectares avec production annuelle de 120000 cols, considérée par les brésiliens comme les meilleurs. Le chef et maître de chais est assez fier de lui et il n’a pas tort, les vins (principalement rouges à part une malvasia de candia et un chardonnay) sont marquants, avec un rendement de 50 hectolitres par hectares on est à peu près au même niveau que Bordeaux. Les cépages rouges sont le Merlot, le Cabernet Sauvignon, le Tannat, le Malbec… Les barriques sont françaises, je suis contente d’y trouver Nadalié en plus de Seguin Moreau qu’on voit partout. Nous passons un bon moment à discuter notamment du goût prononcé des brésiliens pour les vins sucrés qui ici sont manipulés : il semble qu’il n’y ait pas de législation (pourtant si! peut être aucun contrôle?) et qu’on trouve des vins prestigieux non fortifiés titrant à 14,5 % et doux, que donc la chaptalisation est autorisée (ajout de sucre au moût, le jus de raisin avant la fermentation, pour augmenter le degré d’alcool final du vin). Bizarre.
En tout cas Don Laurindo a des vins très similaires aux nôtres, secs comme nous les faisons. Nous achetons un Malbec à R$50 pour le soir.

Notre dernière escale de la journée est chez Miolo, le plus grand groupe de vins au Brésil, porté par le célèbre œnologue conseil Michel Rolland. Avec une structure jeune et ultra moderne (1990), 1200 hectares de vignes propres et situé juste en face de chez Caudalie on se croirait dans les Graves tellement le bâtiment a belle allure!
Nous avons droit à une dégustation privée improvisée de 12 vins : 4 blancs, 4 rouges et 4 effervescents.

Les blancs, Reserva Pinot Grigio 2015, Reserva Chardonnay 2014 (Reserva c’est juste de la déco, rien à voir avec le cahier des charges espagnol), Alvarinho 2013 et un autre chardonnay 2014, ils sont à part le premier tous fermentés en barrique et certains même élevés en barrique. A part l’alvarinho «  Quinta do Seival » qui à mon sens n’est pas assez équilibré (trop de barrique) les autres sont super ! Classe internationale.

Les rouges, un Gamay 2015 (macération carbonique) je suis agréablement surprise malgré la grande simplicité du produit, le « RAR Collezione » pinot noir 2014 typiquement allemand (désolé pour la comparaison mais je me suis sentie de nouveau en Rheinhessen), un Merlot « Terroir » 1 an en barrique, tannins veloutés, et de la truffe me chatouille le nez, il me laisse des notes de caramel et de vanille, un très bon équilibre et une bonne longueur. Enfin la Tourriga Nacional un cépage portugais, ligne Quinta do Seival, fruité, jeune et structuré.

Enfin les mousseux, Tobi commence à fatiguer on accélère le rythme et je garde peu de souvenirs de la cuvée RAR méthode traditionnelle, la Cuvée Giuseppe Chardonnay / Pinot noir 12 mois sur lies, le millésimé 2011, 18 mois sur lies (me souviens de la belle bouteille importée d’Europe et qu’elle a sûrement joué sur le fait que ce petit effervescent me plaise) et le top seller le Terranova Moscatel de la « Vale São Francisco » qui a tout du Asti, pas mon truc.

Nous ressortons de là contents, Tobi pour moi, et moi pour cette journée riche de nouvelles expériences. Pas un seul vin avec un défaut, beaucoup de bonnes choses et en tout cas largement de quoi être satisfait de la qualité puisque les 4 structures que nous avons visitées sont complètement différentes. Au niveau international ce sont quand même les effervescents qui sont les plus réputés, dans la région la communication semble axée sur eux et les références sont légion. Pour plus d’informations les Wine Explorer sont passés par là avant nous et leur article est vraiment sympa : leur article à ce propos.

Nous arrivons avec un peu de retard chez Julian que nous avons contacté sur CouchSurfing. Lui non plus n’est pas encore là, ses parents Valentin et Rita nous accueillent dans leur magnifique maison à Bento. Nous sommes reçus comme des rois et Valentin nous présente ses différentes ruches et abeilles qui ont la particularité de ne pas piquer et de produire un miel rare et 100 fois plus cher que le miel d’abeilles qui piquent… Julian arrive et nous avons déjà l’impression de retrouver un vieil ami. Nous passons une délicieuse soirée dans cette famille si différente de nous, religieuse et chaleureuse, faisons des pizzas et buvons le vin et le jus que nous avons ramené. Nous avons même une chambre pour nous et dormons comme des bébés.

Le lendemain nous partons avec Julian pour une journée de programme. D’abord nous allons visiter une distillerie de cachaça et prenons Nina en route, une collègue radieuse de Julian.
Nous arrivons à la Casa Bucco où nous avons droit à un tour du propriétaire et des différentes phases du procédé : réception de la canne des parcelles de 11 hectares en bio (certifiée Ecocert) et de 22 hectares en conventionnel, extraction du jus de la canne (le caldo), fermentation avec levures sélectionnées 3-4 jours, distillation dans l’alambic charentais, séparation de la « tête », du « coeur » et de la « queue » et ensuite suivant le produit voulu seconde distillation, ou mise en bouteille, ou vieillissement dans du chêne américain.
La maison a 31 produits dans son assortiment et c’est avec fierté que le chef nous les fait découvrir. Il a de la bouteille comme on peut dire, il est passionné et met parfois des années à développer un produit pour lequel il est convaincu. A la différence du rhum qui est fait à base de mélasse la cachaça est faite à base du jus frais de la canne.
Nous apprenons par exemple que la cachaça à deux distillations est mieux appropriée pour une caïpirinha à base d’agrumes oranges alors que la simple distillation convient davantage aux caïpirinha de citron jaune et vert. Nous sommes d’accord et nous régalons. Nous goûtons aussi un mojito brésilien, avec de la menthe poivrée au lieu de la menthe verte que nous connaissons et c’est comme une renaissance. De la simple cachaça artisanale onctueuse aux différents produits élaborés (ananas, café, vieillis dans différents bois et plus ou moins longtemps) je ne peux pas vous dire combien on a goûté (trempé les lèvres) et pourtant aucun de nous ne s’est senti pompette (je vous rassure le conducteur a nettement moins trempé les lèvres!). En tout cas, je suis convaincue, je ne laisserai personne dire que la cachaça est un sous produit ou qu’il vieillit mal ! Après deux bonnes heures nous repartons contents et en plus cela n’a rien coûté.

Nous allons ensuite boire un délicieux jus de canne à sucre au citron pour ensuite nous rendre au domaine Saltón le leader du marché brésilien pour les vins effervescents et aussi l’une des plus vieilles structures de la Serra Gaucha. Si cette année 18 millions de litres de raisin ont été vinifiés, la structure une capacité de 24 millions de litres pour 150 employés (chez Aurora, 60 millions de litres). Au top de la modernité, deux lignes d’embouteillage, une immense vinothèque, un réceptif œnotouristique complet et qualifié et des milliers de visiteurs chaque année. La structure vaut le coup d’oeil, nous sommes heureux d’y entrer gratuitement grâce à Julian qui y a travaillé et son père qui y travaille depuis 26 ans. Nous avons même le droit de participer à une dégustation de 7 vins: un chardonnay 2014 fermenté en barriques (R$50), un vin blanc léger pétillant estival « Lunae » (R$14), un très bon cabernet franc/malbec 2014 (R$50), un excellent cabernet/merlot/tannat 2011 (aussi servi au pape lors de sa venue au Brésil) élevé 12 mois en barrique et encore vieillit 1 an avant la vente (R$60), un effervescent « reserva Ouro » chardonnay/pinot noir/riesling fin mais court (R$38), un moscatel style Asti top seller (R$19) et last but not least le vin « commémoration » cabernet/merlot/malbec 2011 à 13000 cols pour R$90, des fruits confits, une balance et une expression marquante et veloutée, une fin de bouche douce et caramélisée. Miam !

La plupart des effervescents chez Salton sont produits avec la méthode charmat qui est presque comme la méthode traditionnelle (champenoise) sauf que la prise de mousse se fait en cuve close et non en bouteille, beaucoup moins de travail mais c’est une méthode commune à la plupart des effervescents de la planète.

Après ces visites gourmandes nous nous nous dirigeons vers le dernier point de visite : la maison du mate sur la route « caminhos de Pedra » qui est un beau chemin touristique rassemblant tout ce que la région à offrir de pittoresque et culturel. C’est très visité et on le comprend, tout est un régal pour les yeux !
A la maison du mate (vous vous souvenez? la boisson nationale du Paraguay, du sud du Brésil, de l’Uruguay et de l’Argentine, d’origine guarani, j’en parle d’en l’article d’Asuncion) nous entrons dans un moulin à eau de plus de cent ans parfaitement conservé et en état de marche. On apprend tout le procédé de fabrication du « chimarrão » si cher aux gauchos. De la réception des plants (qui ne poussent pas sur place car le sol ne s’y prête pas) ils sont placés sur des flammes vives dans un cylindre, ensuite séchés pendant 15h à 60 degrés dans une chambre style « boucan » ensuite concassés puis enfin battus pendant par des gros pilons activés par le moulin. On a pu voir l’évolution de cette « technologie » puisque le moulin a encore plusieurs « pilons » d’époques différentes. Désolé pour le vocabulaire qui n’est pas professionnel, c’est la première fois que je rentrais dans un moulin !
Après cette jolie et instructive visite nous avons bien sur bu du mate et commençons à vraiment l’apprécier depuis le Paraguay ! On aimerait bien s’acheter l’équipement mais bon… prochain voyage !

Voilà que s’achève notre séjour trop court dans la Serra Gaucha qui a bien plus à offrir que cette trop courte visite très ciblée. Avant de repartir nous buvons un café chez Julian et disons au revoir à ses parents pour reprendre la route de Porto Alegre, rendre la voiture et nous faire déposer par la dame de la location à la gare routière. Tout se passe comme sur des roulettes ! Notre bus qui part à 22h nous conduit en Uruguay.

Nous avons un peu le cœur serré de quitter le Brésil mais nous savons que c’était notre premier séjour dans ce beau pays et pas le dernier !

  3 comments for “Bento Conçalves, les vignes et la Serra Gaucha

  1. Moni
    21. novembre 2015 at 11:36

    Danke et merci! Diesmal lohnt es sich, auch Elodies französischen Artikel anzuklicken…auch wenn man nicht alles oder nur wenig versteht 😉 Danke für die Verknüpfung zu den vielen brasilianischen websites. Jetzt interessiert mich nur noch die Übersetzung für die 10 Regeln, die man beim Trinken von Mate-Tee beachten soll … habe hier noch ein Päckchen Tee von euch.

  2. Meggie
    21. novembre 2015 at 20:05

    “Une ruche de valentin”…da sind aber wenig Bienen im Stock – oder ist das keine richtig bewohnte Zarge?
    Das sieht bei meinen Bienen ganz anders aus. Danke für Eure ausführlichen Berichte und einen lieben Gruss😘

  3. Meggie
    21. novembre 2015 at 20:13

    Nachdem Moni den französischen Beitrag so angepriesen hat, habe ich diesen auch mal angeschaut. Ich kann leider kein Französisch, bin aber beeindruckt von der Länge des Beitrages!! Du bist sehr fleißig, liebe Elodie😀✍

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