Ouro Preto

Il y a un bus toutes les heures pour Ouro Preto, la cité de l’or noir. Nous choisissons celui de 16h parce que nous avons assez de notre petit tour de la grande ville, mais aussi pour pouvoir apprécier ce trajet de jour et arriver avant la nuit à notre destination suivante.
C’est une bonne décision, la route est très intéressante.
Il nous faut beaucoup de temps pour quitter la grosse agglomération et ensuite la route de montagne est elle aussi digne d’intérêt.
Lorsque nous arrivons nous nous dirigeons vers la Pousada São Francisco da Paula mentionnée dans le guide « pour voir ». Elle est vraiment à deux pas de la gare ferroviaire qui est dans les hauteurs de la ville.
Le panorama sur la ville illuminée d’Ouro Preto (or noir) vaut déjà son pesant d’or. Le prix est correct, pour 40 Reais par personnes nous avons une chambre pour trois mais personne dans le troisième lit. Il y a internet et le petit déjeuner compris, c’est très tranquille et nous pensons au départ : c’est à deux pas de la Rodovíaria ! Nous restons.

Le temps de poser nos affaires il est 18h30 et nous partons nous faire une première idée de la petite ville de 60000 habitants que nous avons choisi de connaître.
Vous n’avez probablement jamais entendu parler de cette ville, pourtant au XVIIIe siècle elle était trois fois plus peuplée que New York et ainsi la plus grande ville d’Amérique (avec 200000 habitants). Elle est depuis 1980 sur la liste du patrimoine mondial des Nations Unies. Incroyable hein ?!

Avis aux feignasses et grosses patates cet endroit n’est pas pour vous, passez votre chemin, à moins que vous n’ayez pris de bonnes résolutions ce qui est sûrement mon cas. Les premiers pas en dehors de la pousada annoncent la couleur : ce sera dans la sueur sinon rien !
Je repense au tricycle sans freins qui a fait le bonheur de mes parents dans la descente de chez mes grands-parents, et aux pauvres petits qui ici ne doivent pas connaître la joie de dévaler les pistes noires sans risquer leur peau. Non seulement c’est très très pentu mais c’est pavé d’époque (ce qui signifie partiellement dé-pavé pour ne pas dire dépravé).
Un régal !
Heureusement, il fait nettement plus frais et ce n’est qu’à moitié trempée de sueur que je rentre après un délicieux repas trop calorique. Alors Dukan, tu dis quoi ?

En tout cas, n’en déplaise le dénivelé, cette ville a un charme fou et nous ne sommes pas les seuls à le savoir. C’est chic et cher mais nous le valons bien n’est-ce pas ?

La première nuit est mouvementée, après les épreuves corporelles ce sont les efforts spirituels qui s’annoncent. Une demoiselle aux longues pattes fait son apparition sous le lavabo peu avant que je n’aille me repomponner. Elle aussi annonce la couleur, c’est chez elle ici !
Tobi me rassure « ne t’inquiète pas, elle va rester dans son coin ». Ok, je reste calme : ce soir ni repomponnage ni douche on verra demain (après la demi sueur du retour, ce n’est pas un choix sans effluves). Mais non, elle ne reste pas à sa place, elle veut faire connaissance. Heureusement que j’ai épousé un super héros, grâce à lui je peux dormir d’au moins une oreille. L’autre est dérangée par le moustique qui lui aussi veut faire connaissance (quand je vous dit que les brésiliens sont sympa!) et le matelas (plus dur tu meurs).

Le lendemain (6 octobre) on se demande si on reste une seconde nuit, et mon Tobi est très persuasif. La feignasse prend le dessus, on reste !
Le petit déjeuner est comme d’habitude divin, cette fois en plus des fruits frais, des cakes, du pain, beurre, il y a le fromage local qui ressemble à de la ricotta (pas génial pour le palais français) et du pão de queijo, la petite gourmandise spécialité nationale, un mini pain ou petite boule au fromage. Mmmm !

Nous allons d’abord avec Daniel, le rasta sympa qui nous accueille, visiter une mine d’or, la mina du Veloso. Il doit aller pas loin alors il nous montre où c’est. En route nous nous demandons si ce n’est pas le maire de la ville, tout le monde le salue ! « C’est comme ça ici » qu’il dit, « tout le monde se connaît ! ». Je vois.
Sans lui nous n’aurions probablement pas trouvé, c’est isolé et mal indiqué. C’est une des très nombreuses mines d’or creusée dans la montagne de l’anciennement dénommée Vila Rica (ville riche).
Jolie façade et ce qu’elle renferme est surprenant. Nous avons à peine le temps de payer les 25 Reais de l’entrée qu’on nous met deux casques sur la tête pour nous engouffrer dans une petite entrée dans la roche.

Difficile d’imaginer que ces allées ont été creusées à la main par des personnes non seulement forcées, maltraitées mais aussi non payées pour ce travail affreux. Ces esclaves étaient des travailleurs expérimentés des régions minières d’Afrique. On mettait dans la mine des jeunes dès l’âge de 7 ans. Petits, ils peuvent plus facilement rentrer dans les cavités.
La vie des miniers était courte, une trentaine d’années lorsqu’un éboulement, une explosion ou la violence humaine ne leur avait pas ôté la vie plus tôt.

Quel danger, quelles conditions de travail ! Tout le long de cette courte visite nous devons nous pencher et nous accroupir pour passer. Deux personnes de notre groupe avaient des problèmes de claustrophobie et ne pouvait pas bien nous suivre. Imaginez les milliers d’aller-retour des esclaves les bras chargés de roche ou d’outils. Pas de rail pour évacuer, pas de sécurité non plus et à chaque coup de dynamite on ne peut pas s’imaginer de quelle manière pouvait s’évacuer la poussière, ni même si l’air arrivait en quantité suffisante pour respirer convenablement.
Pour le monoxyde de carbone j’avais déjà entendu parler d’une bougie comme avertissement. Là c’est un petit oiseau qui était l’avertissement : lorsqu’il s’effondrait mort, il fallait évacuer dans les dix minutes.

Alors oui le business était grand, la fièvre de l’or en a tenté plus d’un. A la grande époque de l’or, entre 1770 et 1820 ce sont 1200 tonnes d’or ont été extraits des montagnes d’Ouro Preto.
C’est un or spécial, il est noir parce que recouvert d’oxyde de fer.
Se suit donc un travail de séparation des éléments poussé avant d’obtenir le métal pur tant recherché.
La visite tout en portugais nous a fasciné. Nous avons appris beaucoup de choses, notamment au niveau géologique, que nous avons pu intensifier après dans le très beau Museu de Mineralogia ou aussi appelé Museu de Ciência e Técnica qui a ses locaux dans la prestigieuse Ecole des Mines de l’université d’Ouro Preto.
C’est un magnifique bâtiment de 1876 où on a l’impression de se trouver encore. Une de ces écoles à l’ancienne que l’on voit dans les films.
On y trouve une des plus grande collection de minerais et pierres précieuses du monde (20000 échantillons regroupant 3000 sortes de minéraux, pierres précieuses, de cristaux et bien sur l’or noir d’Ouro Preto) ainsi que l’histoire minière de la région, l’histoire naturelle, physique, topographie, métallurgie… de quoi passer quelques heures et se sentir moins bête.
Aujourd’hui l’or n’est plus abondant à Ouro Preto, cependant on y trouve encore des aigues-marines, des émeraudes et des topazes impériales jaunes.

Ensuite nous avons flâné dans les rues (pavées), admiré les trop nombreuses façades coloniales parfaitement restaurées. Dans un café d’époque nous avons bu le meilleur café dont je me souvienne et cédé à notre gourmandise de chocolat. C’est bien l’endroit le Brésil pour le café et le chocolat ! Puis nous sommes descendus à la ville basse pas moins jolie mais oh combien basse, sommes remontés jusqu’à notre hostel haut perché et c’était une bonne journée !

Après une seconde nuit plus reposante que la première, le 7 octobre, nous avons pris d’abord notre temps et profité du bel environnement dans lequel nous nous trouvions.
Depuis la terrasse d’où nous prenons notre petit déjeuner nous pouvons nous adonner à l’observation des nombreux oiseaux de toutes les couleurs qui grignotent dans l’assiette pleine de fruits coupés pour eux en contrebas. Toutes les couleurs ! Même des colibris qui visitent le jardin fleuri. Chouette !

Le midi nous descendons en ville et faisons un petit tour dans d’autres rues encore inexplorées. Puis pour la culture nous visitons une des nombreuses et célèbres églises baroques d’Ouro Preto (20 églises qui comptent avec celles de Salvador parmi les plus précieuses du Brésil), celle de São Francisco de Assis du XVIIIe, conçue et sculptée par la star locale Aleijadinho (Antônio Francisco Lisboa ou le Michel-ange brésilien).
Effectivement, cela vaut le coup ! Le réalisme et l’étrange simplicité des nombreux personnages sculptés tranche avec ce que nous connaissons. Le plafond est fascinant de détails qu’on en a mal au cou. J’aime ces couleurs dominantes, du bleu et un rouge carmin, que je n’ai pas l’habitude de voir : « d’habitude » c’est plus sombre et triste.
Nous partons après visiter une autre mine qui se déclare la plus grande mine d’or ouverte aux visites du monde, la Mina da Passagem.
Nous descendons à 120 mètres de profondeur avec un petit wagon rustique sur des rails rustiques aussi. 11km² de tunnels et d’allées et l’on peut même descendre en combinaison scaphandre à 79mètres de profondeur.
C’est complètement différent que la mine de la veille. Cette mine créée au XVIIIe siècle a été industrialisée et utilisée jusqu’en 1985. Pas de sentiment de claustrophobie, il y a assez de place pour de grosses machines. Au meilleur temps de l’extraction ce sont 30g d’or par tonne de cailloux qui sont extraits. Ouverte au tourisme depuis 1979, l’extraction s’est arrêté en 1985 parce qu’elle n’était plus rentable : entre 4 et 8 grammes par tonnes de caillasses ! Il aura été quand même extrait 35 tonnes d’or de cette mine.

Après un café et un bon repas nous nous préparons pour repartir des montagnes vers l’océan. A 22h part notre bus pour Rio de Janeiro. Une étape excitante et très attendue.
Vivement la suite !

  6 comments for “Ouro Preto

  1. Helmi
    12. octobre 2015 at 8:07

    Encore une reportage de voyage très interessant et captivant avec des belles photos. MERCI !!!!!
    🙂 Helmi

  2. Moni
    12. octobre 2015 at 8:41

    La lecture en français nous a fasciné. Merci pour autant les petites détails, …l’histoire de la demoiselle dans le lavabo et autres choses 😉 Das Foto von Tobi auf dem Balkon (in den dunklen Farben) gefällt mir besonders gut. Merci! Freuen uns schon auf den Rio-Bericht.

  3. Gens William
    12. octobre 2015 at 15:51

    Merci de prendre le temps d’écrire avec autant de détails, et les photos sont passionnantes .
    bon voyage et bonne aventure.

  4. Zouzou
    13. octobre 2015 at 1:00

    Quelle jolie étape !

  5. Nicole NIJHOF-VOLLARD
    13. octobre 2015 at 11:42

    C’est comme si on y était !
    (soupir rêveur…).

  6. Britta
    13. octobre 2015 at 17:19

    Die Bilder erinnern mich ein klein wenig an Peru. Scheint ein cooler Mann zu sein, mit dem Elodie an der Mine steht.

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